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TERRORISME
     Le MI5 a laissé pourrir un de ses informateurs d'Al-Qaïda à Guantanamo Bay
   By: Severin Carrell
5 juin 2005 - The Independent

Les services de sécurité britanniques sont accusés d'avoir abandonné à Guantanamo Bay un de leurs ex-agents, après l'avoir recruté comme intermédiaire avec l'Islamiste radical Abou Qatada.

Lors de révélations récentes, Bisher al-Rawi, un résident britannique détenu à la prison américaine de Cuba, a déclaré que le MI5 l'avait persuadé de devenir leur intermédiaire bénévole avec le supposé dirigeant d'al-Qaïda, en lui promettant de l'aider si jamais il avait des problèmes.

Pourtant, M. Al-Rawi, dont la famille a fui l'Irak pour la Grande-Bretagne lorsqu'il avait 16 ans, a été arrêté en novembre 2002 en Gambie (Afrique de l'Ouest) et transféré par voie aérienne vers l'Afghanistan puis vers Cuba. Il est accusé de soutenir al-Qaïda.

Ses avocats sont persuadés que les services secrets britanniques ont balancé aux Etats-Unis des informations sur son voyage en Gambie et l'ont livré "illégalement" à la détention préventive américaine. Ils accusent le Royaume-Uni d'avoir failli à aider M. Al-Rawi après son arrestation. Brent Mickum, son avocat américain, a écrit à Richard Clarke (Ministre de l'Intérieur [britannique]) et à Eliza Manninghem-Buller (directrice du MI5) leur décrivant en détail ces accusations au sujet du rôle joué par le Royaume-Uni.

Des sources au sein de Whitehall admettent que les accusations de M. Al-Rawi allaient mettre des ministres en difficulté. Ces derniers font d'ailleurs pression, à présent, pour qu'on le libère en compagnie d'au moins quatre autres détenus. Tous ayant des liens familiaux très étroits au Royaume-Uni. Les avocats accusent le Ministère de l'Intérieur - qui chapeaute le MI5 - de bloquer les tentatives du Ministère des Affaires Etrangères (qui essaye de passer un accord avec les Etats-Unis) en refusant de donner à ces hommes l'autorisation spécifique de retourner au Royaume-Uni. Le ministre n'a pas répondu aux demandes des familles pour discuter du cas de ces hommes. Bien qu'ils aient résidé officiellement en Grande-Bretagne, ils risquent d'être rapatriés vers leurs pays d'origine où, le craint-on, ils pourraient être harcelés et torturés.

Les déclarations de M. Al-Rawi mettent en lumière les opérations organisées par le MI5, à la suite des attaques d'Al-Qaïda sur New York et le Pentagone du 11 septembre 2001, pour infiltrer au Royaume-Uni les Islamistes radicaux et tous ceux qui sont suspectés de terrorisme.

L'Independent a pris connaissance dimanche d'une lettre où M. Al-Rawi affirme :

- Qu'il avait été recruté après le 11 septembre par le MI5 pour servir d'intermédiaire neutre avec Abou Quatada, qui aurait eu des liens avec le MI5 malgré les accusations portées contre lui d'avoir été le "leader spirituel" d'al-Qaïda et "l'ambassadeur" d'Oussama ben Laden en Europe.

- Que le MI5 a toujours su où Abou Qatada se cachait après s'être enfui de chez lui (dans l'ouest de Londres) quelques heures avant que de nouveaux pouvoirs de détenir des suspects sans les inculper passent en force en décembre 2001. Il a vécu à Elephant & Castle, à côté du quartier général du MI5, pendant neuf mois avant d'être arrêté.

- Que pendant tout ce temps, il a eu de 'nombreuses' rencontres avec des agents du MI5 - 'Alex', 'Matthew' et 'Martin' - dans des hôtels et des bars de Londres, se passant des messages avec Abou Qatada.

- Qu'après avoir exprimé ses craintes pour sa sécurité, mise en danger par ses contacts au MI5, un avocat commis d'office l'a "assuré" que cela "l'aiderait pour sa défense [et] que ça plaiderait en sa faveur".

M. Mickum a dit à M. Clarke et au MI5 que son client a l'intention de dévoiler l'identité des agents du MI5 qui s'occupaient de lui et de donner des détails sur son recrutement. [En janvier 2005] The Independent on Sunday révélait que les autorités américaines avaient demandé au gouvernement |britannique] d'autoriser trois de ses agents à venir témoigner à Guantanamo, lors de ses auditions. Les Britanniques ont refusé.

M. Mickum a déclaré que son client est catégorique sur le fait qu'il n'a été impliqué que parce qu'il pensait que cela aiderait M. Qatada, qui était un ami de sa famille.

Les avocats de M. Qatada insistent pour dire que ses contacts au MI5 relevaient des tentatives routinières de l'agence - qui, dans son cas, ont été vaines - de collecter des informations sur les groupes islamistes au Royaume-Uni. Ils réfutent les accusations de la part d'autres radicaux selon lesquelles il aurait trahi d'autres groupes islamistes.

M. Mickum a déclaré : "Il est totalement innocent… Le gouvernement britannique est responsable de son arrestation par les Américains, qui l'ont torturé et maltraité pendant une longue période".

Traduit de l'américain par Jean-François Goulon