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TERRORISME
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   Le Département de la Justice a refusé que des agents du FBI à Minneapolis fouillent dans le disque dur du terroriste présumé. Un des enquêteurs se demande si les détournements auraient pu être empêchés si l'on avait fait le rapprochement

1er octobre 2001; NEWSWEEK
Par Michael Isikoff et Daniel Klaidman

photo de Zacarias Moussaoui, fichier du bureau
du sheriff - Comté de Sherburne (Minnesota)

1er octobre - Des officiels de haut-rang du Département de la Justice et du FBI ont rejeté une requête émise au début du mois dernier par des agents du FBI à Minneapolis. NEWSWEEK vient d'apprendre qu'ils demandaient un mandat spécial de surveillance de contre-espionnage sur un terroriste islamique présumé et dont on pense en haut lieu qu'il pourrait avoir fait partie du complot du 11 septembre, qui a conduit aux attaques sur le World Trade Center et le Pentagone.

LA FAÇON DONT est traité le dossier de Zacarias Moussaoui - qui est à présent placé en détention à New York - soulève de nouvelles questions sur la manière dont les responsables du maintien de l'ordre ont géré les renseignements cruciaux qui, rétrospectivement, auraient pu les alerter avant l'accomplissement de ce complot terroriste, le plus meurtrier de l'histoire américaine.

Des sources proches de cette affaire ont dit à NEWSWEEK que des agents du FBI à Minneapolis ont saisi l'ordinateur de Moussaoui à la mi-août, après que des fonctionnaires d'une école de pilotage d'Eagan (Minnesota) leur avaient donné un tuyau selon lequel le citoyen français de 33 ans agissait de manière suspecte. Ils leur ont dit que Moussaoui n'avait cherché à s'entraîner que pour faire des virages - pas de décollages ni d'atterrissages - et avait posé des questions spécifiques sur le survol de l'espace new-yorkais.

Mais tandis que Moussaoui était lui-même placé en détention le 17 août pour des accusations mineures d'immigration, les agents de Minneapolis ne furent jamais autorisés par les officiels du Département de la Justice à Washington à ouvrir le disque dur de l'ordinateur du suspect. Des officiels ont déclaré que les agents de Minneapolis ont cherché début septembre à obtenir cette autorisation - et à prendre d'autres mesures investigatrices en direction de Moussaoui -en vertu de la Loi sur le Contre-Espionnage (FISA - Foreign Intelligence Surveillance Act). Ceci a eu lieu après qu'une "piste" du FBI - une demande d'information émanant de gouvernements étrangers amis - a produit un rapport des services de renseignements français selon lequel Moussaoui avait été associé à des membres d'un groupe terroriste algérien et aurait pu voyager en Afghanistan.

Lorsque les agents ont enfin fait parler le disque dur de l'ordinateur, après l'attaque du 11 septembre, des fonctionnaires ont découvert une nouvelle information qui les a rendus encore plus suspicieux au sujet de Moussaoui. Parmi ce qu'ils ont trouvé, ont déclaré les sources, il y avait des données sur les "tendances des vents" en relation avec l'épandage de pesticides, de même qu'une grande quantité d'informations qu'il avait prises sur Internet à propos des avions de pulvérisation de pesticides.

Cette information fut considérée suffisamment inquiétante pour que les officiels du FBI demandent que tous les avions de pulvérisation de pesticides restent au sol, de crainte que des terroristes soient en train de comploter pour les utiliser dans des attaques chimiques ou biologiques. (Depuis, les avions ont été autorisés à voler - mais pas au-dessus des zones urbaines).

A partir de l'instant où il a été détenu, il y a plus de six semaines, Moussaoui a constamment refusé de coopérer avec les forces de l'ordre américaines et de nombreux officiels sont à présent extrêmement suspicieux sur sa conduite. Une théorie largement partagée au sein de la communauté judiciaire est que Moussaoui - qui était entré dans le pays seulement en février dernier après avoir vécu à Londres - était supposé avoir été le cinquième pirate de l'air du vol de United Airlines qui s'est crashé en Pennsylvanie, le seul des quatre avions détournés ce jour-là qui avait seulement quatre pirates à bord au lieu de cinq.

Mais il n'y a toujours pas de consensus à ce sujet. "La vérité c'est que personne au sein de la communauté du renseignement n'a pu dire ce que ce type essayait de faire", a déclaré un officiel.

Néanmoins, dans le sillage des attaques du 11 septembre, le rejet du mandat de la FISA a généré des tensions entre les agents de terrain à Minneapolis, le Département de la Justice et leurs supérieurs au FBI à Washington. Les officiels à Washington sont catégoriques sur le fait qu'il n'y avait pas assez d'éléments pour accepter ce mandat sur la base de ceux produits par les agents de Minneapolis. Un haut-fonctionnaire des autorités judiciaires américaines a déclaré : "Il ne semble pas qu'il y ait de désaccord sur le fait que les normes juridiques [pour un mandat du FISA] n'étaient pas remplies". La loi exige que le FBI donne des preuves que le suspect est un "agent" d'une puissance étrangère ou d'un groupe terroriste, et selon les officiels, c'est quelque chose que les agents de Minneapolis n'ont jamais eue.

Mais d'autres fonctionnaires du maintien de l'ordre insistent pareillement pour dire qu'une enquête plus agressive sur Moussaoui - si elle avait été combinée avec d'autres renseignements détenus par des agences américaines - aurait pu produire des indices suffisants au sujet de ce complot imminent. Un autre enquêteur a déclaré : "La question qui est posée ici est que s'ils avaient fait le lien entre tout cela, ils auraient obtenu beaucoup plus d'informations sur ce type - et auraient peut-être même empêché les détournements d'avions.

© 2003 Newsweek, Inc.


Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Jean-François Goulon