accueil > archives > Europe


RD Congo

Cooptation des députés provinciaux :
Ne pas jeter les Chefs coutumiers et traditionnels à la poubelle !

Jean-Claude Vuemba Luzamba

Député de Kasangulu, Président national du MPCR
Le 17 décembre 2006


Le Député Jean-Claude Vuemba répondant aux journalistes,
à Kinshasa, le 04/12/06 (photo JFG/QuestionsCritiques)

Les mardi et mercredi 11 et 12 décembre derniers, j’ai réuni à l’hôtel Marbre de Kasangulu, mon fief électoral, les Chefs coutumiers et traditionnels du District de Lukaya. Ces honorables et respectés mandataires du pouvoir ancestral sont venus de Mandimba, Kimvula et Kasangulu, les 3 Territoires qui composent le District de Lukaya.

Pourquoi ai-je organisé cette rencontre ?

Les Chefs coutumiers et traditionnels jouent un rôle essentiel dans l’organisation de notre pays et j’ai d’abord voulu rendre hommage à ceux qui représentent le lien primordial entre l’administration centrale (le Gouvernement) et l’administration décentralisée (la Province) et le peuple. L’autorité qu’ils représentent dans leurs villages est non seulement ancestrale, elle est incontestable. Ces braves gens permettent la cohésion entre toutes les Congolaises et tous les Congolais dans un territoire aussi vaste que le nôtre, qui entend être uni dans la nouvelle souveraineté nationale retrouvée. Aujourd’hui, c’est sûrement parce qu’ils ont reconnu leurs mérites que les législateurs du Parlement de Transition ont voulu les retrouver au sein des Institutions Provinciales, donc tout près de la base à l’Assemblée Provinciale. De mon côté, je leur renouvelle ma confiance et je leur dis qu’ils ont un rôle de premier plan à jouer dans le décollage de notre pays.

Mais à voir ce qui se passe autour de nous, dans le processus de cooptation des Chefs coutumiers et traditionnels au sein des Assemblées Provinciales, je suis profondément inquiet. Oui, je suis inquiet parce que j’ai la nette impression qu’une confusion totale a été créée entre les Chefs de groupement et les Chefs coutumiers et traditionnels. Je tiens à rappeler que les Chefs de groupement sont des supplétifs, nommés par le Ministère de l’Intérieur, qui émargent à la caisse de l’Etat et qui sont sous la responsabilité des administrateurs du territoire. Dans certains cas, ils sont aussi Chefs coutumiers et traditionnels, mais bien souvent ils ne disposent pas de cette assise populaire, parce qu’ils ne sont pas du coin. La Constitution de la 3e République est très claire et elle réserve une place pour les Chefs coutumiers et traditionnels dans les Assemblées Provinciales.

Ma question est donc simple : Qui du chef investi ou du chef de groupement sans base doit représenter le pouvoir ancestral à l’assemblée provinciale ? D’aucuns pourront dire que cette question n’a pas de sens. Mais si l’on sait qu’il y a des Chefs de groupement nommés par le pouvoir qui sont des étrangers dans les entités qu’ils dirigent, on pourrait alors se poser des questions sur l’organisation de la démocratie dans les territoires. Par exemple, dans le Territoire de Kasangulu où je suis le député élu par le peuple, il y a le cas du chef de groupement de SEFU. Ce Monsieur n’est pas du coin, mais il a été nommé Chef de groupement. Et je suis certain que ce n’est pas le seul cas recensé dans l’ensemble de notre Pays.

Je reconnais que la plupart de ces Chefs s’acquittent très bien de leurs tâches. Mais cela n’est pas mon sujet du jour. Il y a par contre certains Chefs coutumiers authentiques, investis par le Pouvoir Traditionnel, qui ont à mon avis tous les droits d’être cooptés pour représenter le pouvoir traditionnel au sein de l’Assemblée Provinciale. Je citerai le cas de Monsieur Eugène DIOMI, investi par le grand Chef MBEMBA KAYILE, et qui, à un certain moment, avait même l’intérim du Président de l’Association des Chefs Coutumiers du Congo. Il n’est pas Chef de groupement et pourtant il est Chef coutumier authentiquement investi. Or, les informations en ma possession me renseignent que le Ministre de l’Intérieur aurait transmis à la commission électorale indépendante une liste des Chefs de groupement pour qu’ils soient cooptés au sein des assemblées provinciales. Dans cette liste, je ne vois pas beaucoup les Chefs coutumiers et traditionnels authentiquement investis.

S’agit-il d’une erreur grossière due à l’incompétence de la CEI ou cherche-t-on à imposer au peuple certaines personnes pour des raisons que l’on pourrait facilement deviner ? La CEI, au lieu de se contenter qu’on lui apporte des listes par le Ministère qui gère l’administration Territoriale devrait mener ses propres investigations pour savoir quels sont ceux qui réellement ont le Pouvoir Traditionnel. Je suis persuadé que c’est pour cette raison (la représentation du pouvoir ancestral) que les législateurs de la transition ont prévu cette couverture. Personnellement je reconnais que les Chefs coutumiers et traditionnels ont un rôle capital à jouer pour leur village, leur territoire, leur pays. Et je crois que le peuple ne comprendrait pas que l’on cherche une fois de plus à le manipuler. Par conséquent, je demande à la CEI d’assumer ses responsabilités et de tout faire pour régler ce problème urgent.

Il ne faudrait pas que les gouvernants commettent l’erreur d’imposer des chefs à la base, car le chef, nanti d’un pouvoir reconnu et respecté de tous, jouera, dans nos assemblées provinciales, le rôle dynamique de relais entre les desiderata profonds du peuple et le pouvoir. Je m’oppose donc à ce que soient cooptés des chefs de groupement sans base qui ne disposent pas d’un pouvoir traditionnel ancestral, parce que ce n’est pas l’esprit de notre Constitution, ni l’intérêt du pays, si l’on veut que le développement profite à tous.

Je le redis : le Congo appartient au Congolaises et aux Congolais et non à ses dirigeants. C’est au peuple de se déterminer et aux élites de leur montrer la voie.