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RD Congo

Kahemba : Kabila accusé de haute trahison par Jean-Pierre Bemba

Kashamura Simbamakali
mardi 27 mars 2007


Qui ne sait pas que Kahemba est au Congo ? Qui ignore les bornes frontalières plantées par les Belges et les Portugais ? Qui ne sait pas que les archives existent et encore moins les chefs coutumiers, propriétaires terriens ?

Le différend frontalier, entre l'Angola et la RDC n'est plus l'affaire de seuls gouvernements. L'ensemble du peuple congolais s'en est mêlé au point que cela a fait l'objet de débats houleux à l'assemblée nationale le lundi 19 mars. Débats qui se sont soldés par la mise sur pied d'une commission parlementaire constituée de 15 députés, à raison de 9 pour l'AMP et 6 pour l'opposition, afin de faire la lumière sur cette rocambolesque affaire qui voit la RDC perdre une portion de son territoire dans le Bandundu au profit de l'Angola. Pays dont les militaires occupent les lieux et font flotter leur drapeau national. Bien entendu, en ayant pris soin de chasser les populations locales, retranchées présentement dans la forêt.

L'occupation de Kahemba a fait vibrer la corde nationaliste au point que les députés, toutes tendances confondues, ont parlé de la même voix. Tous ont fustigé l'attitude du gouvernement caractérisé par les contradictions de deux ministres d'Etat, à savoir celui de l'Intérieur, Denis Kalume, qui soutient que les militaires angolais n'occupent pas une portion territoriale du Congo, et celui des Affaires Etrangères, Mbusa Nyamwisi, qui soutient le contraire. Les notes discordantes au gouvernement ressortent aussi des propos de Me Muyambo, ministre des Affaires humanitaires qui revient de Kahemba et qui prend à contre-pied son collègue de l'Intérieur.

Les parlementaires se sont demandés si les déclarations du général Kalume, qui a laissé entendre que les populations congolaises avaient émigré par ignorance pour occuper le sol angolais, engagent le gouvernement ou lui-même. Devant cette cacophonie de l'exécutif, ils ont pensé que le Premier ministre, qui garde jusque là silence, pourrait venir éclairer leur religion. Même le très pprdien [Ndlr : le PPRD est le parti du Président Kabila] Théophile Mbemba n'a pas trouvé amicale et fraternelle l'attitude de l'Angola dont les militaires occupent Kahemba sans avoir poser le problème au préalable. Dieu merci, le président de l'assemblée nationale, Vital Kamerhe, a sauvé de justesse Antoine Gizenga de sa 1ère interpellation en préférant la mise sur pied d'une commission parlementaire ad hoc avant toute chose.

D'autre part, le colonel Lubiku Lusiense, directeur général de l'Institut Géographique du Congo (IGC), soutient, en rapport avec la vive controverse autour de la présence de soldats et du drapeau angolais à Kahemba (Bandundu), qu'" aucun millimètre du territoire congolais n'est occupé ". A l'en croire, les 4 bornes frontalières sont sur le 7ème parallèle, coordonnée équivalente à la frontière héritée des anciennes puissances coloniales.

En d'autres mots, le colonel soutient les propos de son supérieur Denis Kalume. Mais toute la question est de savoir pourquoi avant ce différend le DG de l'IGC n'avait jamais éclairé ni le gouvernement ni le peuple congolais sur le fait que le territoire occupé présentement par les Angolais n'était pas congolais. Voilà qui crée la confusion et fait penser à un complot contre la RDC.

Sur ces entrefaits, Jean-Pierre Bemba, ancien vice-président de la République, a donné de la voix.

" C'est une haute trahison vendre le pays ".C'est en ces termes qu'il s'est exprimé, le samedi 17, au sujet de la situation du territoire de Kahemba, dans le Bandundu. C'était au cours d'un entretien avec 3 télévisions locales : Antenne A, RLTV et CKTV.

A ce sujet, le sénateur Jean-Pierre Bemba a procédé par un questionnement : qui ne sait pas que Kahemba est au Congo ? Qui ignore les bornes frontalières plantées par les Belges et les Portugais ? Qui ne sait pas que les archives existent et encore moins les chefs coutumiers, propriétaires terriens ?

Relevant les mésaventures connues par les députés nationaux originaires du Kwango, y compris ceux de l'AMP lors de leur descente à Kahemba, il a laissé entendre qu'il est incompréhensible que les autorités nous disent aujourd'hui que ce territoire n'est pas au Congo.

" Si l'on n'y prend pas garde, a souligné le président national du Mlc, le Congo va perdre Kabungu à Kamonia (Tshikapa), dans le Kasai-Occidental. Il en sera pareil dans le Kivu et le Katanga. Rappelant que tout ceci a été dénoncé et stigmatisé lors de sa campagne, il a qualifié cette attitude de " haute trahison ". Et de se demander : " Où est le nationalisme, le respect de la prestation de serment ? ".

Selon lui, même s'il y avait un problème entre l'Angola et la RDC, celui-ci ne pouvait pas être réglé en envoyant les militaires au Congo. Le cas échéant, la Cour internationale de justice pouvait connaître de cette affaire à l'instar du différend entre le Nigeria et le Cameroun au sujet de la presqu'île de Bakassi. C'est après 11 ans de procédure que le Cameroun a eu raison du Nigeria.

Ce qui m'étonne dans cette affaire, a dit Bemba, c'est le fait que le Premier ministre, originaire du Bandundu, ne dit mot. Il doit se prononcer sur cette question et démissionner si c'est un complot.

S'il était au pouvoir, a-t-il fait remarquer, la 1ère chose à faire était d'aller voir le président angolais et lui demander s'il était au courant de la présence de ses militaires au Congo. Par la suite, il apporterait tout ce qui existe comme archives à cet effet.

En cas d'incompréhension, il impliquerait le Secrétaire général des Nations Unies, et le cas échéant, il saisirait la Cour de la Haye pour trancher.

Au sujet du désarmement de sa garde rapprochée, l'ancien vice-président de la République - rappelant les multiples attentats contre sa personne - a fait état de l'accord signé sous l'égide des Nations Unies à travers le chef de la MONUC entre ses représentants et ceux du président Kabila ; accord dont il n'entend pas transiger. Cet accord - que semble oublier le pouvoir- met l'accent sur la sécurité rapprochée appropriée que le gagnant au 2ème tour de la présidentielle devait assurer au perdant. Curieusement, il constate l'encerclement de sa maison par des militaires dépêchés par le chef d'état-major général comme si l'ennemi était à Kinshasa. Pourtant, c'est dans le Kivu, en Ituri et à Kahemba que ceux-ci pouvaient être dépêchés.

L'ancien vice-président de la République regrette que devant l'insuccès dans le Kivu, le chef d'état-major général soit prompt à lui envoyer des militaires pour l'insécuriser. Pourtant, il a comme tâche de les encadrer en leur assurant le paiement régulier de la solde et autres avantages. Chose qu'il n'a pas faite et pour laquelle il n'a pas été capable de répondre à 3 reprises lors des réunions du Conseil supérieur de la défense à sa question de savoir ce qu'il faisait des 500 millions de FRC [850.000 €] résiduels chaque mois sur l'enveloppe de la solde des militaires.

A propos de la garde rapprochée de M. Bemba, il sied de noter que la situation était explosive mardi dernier aux abords de sa résidence en face du cimetière de la Gombe. A la base, l'intention des éléments Fardc d'occuper une position au croisement du boulevard du 30 juin avec la bretelle qui conduit à la Cour suprême de justice. Intention jugée suspecte par la garde du N° 1 de l'Union pour la Nation qui n'entendait pas se faire prendre ainsi en étau.

Il en est résulté une altercation que la MONUC a dû maîtriser en s'interposant entre les 2 factions. Même les 3 coups de feu tirés en l'air par les Fardc n'ont pas fait dégénérer la situation ; les gardes de Bemba s'étant montrés disciplinés.

A l'occasion dudit entretien, le président national du MLC a visité le programme du gouvernement. A l'en croire, celui-ci n'en est pas un. C'est un chapelet d'intentions qui n'indique pas les axes prioritaires, encore moins comment les choses seront conduites et financées. Il est convaincu que rien ne se fera parce qu'il n'y a pas de planification.

Enfin, en ce qui concerne les élections des gouverneurs de provinces, Jean-Pierre Bemba a dénoncé la corruption érigée en système de gouvernement. Comment expliquer, s'est-il demandé, que dans 4 provinces (Bandundu, Kasai-Occidental, Bas-Congo et Kinshasa) où l'Union pour la Nation s'était imposée au niveau des bureaux des assemblées provinciales, celle-ci puisse battre de l'aile, avec les mêmes députés provinciaux pour ce qui est des sénateurs et gouverneurs de province. C'est le résultat de la corruption. C'est la dictature de l'argent.

Lire l'interview de Jean-Pierre Bemba : L'interview qui a rendu fou Joseph Kabila