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61ème assemblée générale de l'ONU

DISCOURS DE TZIPI LIVNI

Israël

20 septembre 2006
version française : [FP/JFG-QuestionsCritiques]

M. Le Secrétaire Général,

Madame la Présidente,

Familles des otages israéliens, dont nous prions pour le retour,

Distingués délégués,

Mesdames et Messieurs,

Ces jours, ceux pendant lesquels se déroule l'assemblée générale des Nations-Unies, concordent cette année avec une période d'une importance toute particulière pour le peuple Juif. Ces jours s'intercalent entre le Nouvel An Juif et le Jour du Grand Pardon et ils sont connus sous le nom de yamim noraïm - les Jours Redoutables.

Dans la tradition juive, ces jours sont ceux de Asseret Yemei Teshouva, de remise en question existentielle et de prière, de jugement et de renouveau. Ce concept de réflexion ne devrait pas se limiter aux gens de religion.

Cette période devrait également être un temps de réflexion pour les nations. Utilisons ce moment et profitons du fait que nous sommes tous rassemblés, pour observer le monde dans lequel nous vivons, profondément et honnêtement - le monde tel qu'il est et tel qu'il pourrait être.

Madame la Présidente,

Les Nations-Unies ont émergés des horreurs de la guerre et ont offert une vision d'un monde nouveau et en paix. Mais nous voyons les souffrances du peuple du Darfour, nous voyons des carnages aux quatre coins du globe et nous savons que ce monde nouveau n'est pas encore le nôtre.

Notre planète demeure déchirée par le conflit. Ce conflit reste, dans son essence même, un conflit de valeur, une guerre des idées. Ce conflit oppose ceux qui respectent les autres et ceux qui les rejettent - il oppose la tolérance à la tyrannie, la promesse de la coexistence à la voie de la haine, sans espoir et sans issue.

Nous le voyons se dérouler dans les forums de discussions sur Internet et dans les lieux de culte, dans les salles de classe et les salles de presse, sur les champs de bataille humanitaires comme dans les corridors du pouvoir. Et il représente le grand défi de notre époque.

Nous, le peuple d'Israël, avons vécu des années durant sur les lignes de front de ce conflit. Notre nation en a ressenti la violence, nos soldats se sont battus et sont tombés dans ses batailles. Un peuple ancien au cœur du Moyen-Orient - grand sur un plan historique, mais petit sur un plan démographique - nous avons constamment été la cible de ceux qui s'opposent à notre existence-même.

Nous affrontons ce conflit sur différents fronts : En tant que Juifs, confrontés aux forces obscures de l'antisémitisme ; en tant qu'Israéliens, confrontés aux ennemis de notre Etat, en tant que membres du monde libre, confrontés aux marchands de la terreur globale.

Deux valeurs centrales nous ont guidés dans ce conflit. Elles s'incarnent dans notre déclaration d'indépendance et façonnent notre identité nationale.

La première, c'est qu'Israël, avec en son cœur Jérusalem, est la patrie du peuple Juif, son refuge face à la persécution, à la fois sa première et dernière ligne de défense. La seconde, c'est qu'Israël est une démocratie ; que ses valeurs de justice, de paix et d'humanité - exprimées pour la première fois par les prophètes d'Israël - font partie intégrante du sens de la mission de notre nation.

Nous partageons les mêmes valeurs que celles prônées par la communauté des Etats démocratiques. Nos sommes prêts, et même fiers, d'être jugés par eux. Ils font partie des nôtres. Mais trop souvent, il existe un écart considérable entre la perception et la réalité. Trop souvent, Israël n'est pas vu par sa créativité unique et son esprit d'entreprise, pour sa contribution - bien au-delà de sa taille - à la science et à la littérature, au développement humain et à l'innovation.

Dans bien des endroits de par le monde, nous sommes vus principalement à travers le conflit israélo-palestinien. Et, trop souvent, cette vision est trompeuse. Trop souvent, ce conflit est comparé à la lutte entre David et Goliath, Israël étant injustement assimilé à Goliath. Mais cette image simpliste ne prend pas en compte le fait qu'Israël reste une démocratie menacée au sein d'une région hostile.

Nous avons, par nécessité, la capacité de nous défendre, mais sommes toujours limités par nos valeurs, dans l'utilisation que nous en faisons. Et pourtant, nous sommes face à un ennemi prêt à utiliser absolument tous les moyens dont il dispose pour tuer sans restriction ni distinction.

Chaque victime innocente de ce conflit est une tragédie. Il n'existe aucune différence entre les larmes d'une mère israélienne en deuil et celles d'une mère palestinienne en deuil. Mais il existe une différence morale fondamentale entre les terroristes, qui visent et tuent sciemment des civils, et les soldats qui visent les terroristes et font tout ce qu'ils peuvent pour éviter de faire des victimes parmi les civils.

Afin de protéger son intégrité, la Communauté Internationale se doit de souligner cette distinction morale fondamentale. Le terrorisme reste le terrorisme, quand bien même il est appelé résistance. Il ne peut se justifier en aucune manière et ne peut en aucune manière se comparer avec les actions de ceux qui cherchent à s'en défendre.

Madame la Présidente,

Si nous voulons protéger nos valeurs, il ne suffit pas d'avoir foi en elles - nous devons agir en fonction d'elles. Il n'existe pas de plus grand défi pour nos valeurs que celui que nous lancent les dirigeants de l'Iran. Ces gens nient l'Holocauste et le tournent en ridicule. Ils parlent fièrement et ouvertement de leurs désirs de rayer Israël de la carte. Et, à présent, par leurs actions, ils cherchent à obtenir les armes qui leur permettront d'atteindre cet objectif, de mettre la région en péril et de menacer le monde.

Le moment de vérité, Madame la Présidente, est venu.

La communauté internationale fait face à la plus grande responsabilité qui soit, celle de se dresser devant ce sombre et grandissant danger - non dans l'intérêt d'Israël, mais bel et bien pour le sien ; dans l'intérêt des valeurs qu'elle prétend épouser ; dans l'intérêt du monde que nous souhaitons tous léguer à nos enfants.

Que faut-il que ce monde endure de plus avant que cette menace ne soit prise au sérieux ? Que faut-il encore qu'il arrive avant que ne cessent l'hésitation et les excuses ? Nous avons retenu les leçons du passé. Nous connaissons les conséquences de l'apaisement et de l'indifférence. Il n'y a pas de place pour de tels dirigeants au sein de cette assemblée. Il n'y a pas de place pour un tel régime dans la grande famille des nations.

Madame la Présidente,

Pour ceux qui ont encore des doutes, la menace iranienne s'est retrouvée exposée à la vue de tous lors du récent conflit au Liban. Armé, financé et dirigé par l'Iran, le Hezbollah a kidnappé des soldats israéliens et pris pour cible des villes israéliennes, mais ce sont les espoirs de toute une région qu'ils ont pris en otage.

De ce conflit - et parce qu'Israël a riposté - de nouvelles opportunités sont apparues. Mais nous avons besoin de beaucoup de choses pour transformer ces opportunités en réalité. Il ne doit plus jamais être permis au Hezbollah de menacer l'avenir de la région. Le monde est confronté à une épreuve ultime - assurer la complète application de la résolution 1701 et le retour immédiat des otages israéliens, sains et saufs.

Puisque nous sommes réunis ici aujourd'hui, nous avons une pensée pour les familles dans l'angoisse qui attendent avec impatience le retour des êtres qui leur sont chers - des parents qui attendent leur fils, un frère, son frère, une femme, son époux. Israël ne connaîtra pas le repos tant que tous les otages israéliens ne seront pas libérés et rendus sains et saufs dans les bras de leur famille dévouée et de leur nation aimante. Aujourd'hui, faisons-leur tous ensemble cette promesse solennelle !

Madame la Présidente,

L'année dernière, un grand dirigeant d'Israël, Ariel Sharon, se tenait devant cette assemblée et a déclaré : " Les Palestiniens seront toujours nos voisins. Nous les respectons, et nous n'avons aucune l'ambition de les dominer. Tout comme nous, ils ont le droit à la liberté, à la souveraineté et à une existence nationale dans un Etat à eux ".

Ce n'était pas la voix et la vision d'un seul homme. C'était la voix et la vision d'une nation. Nous ne croyons pas que les relations israélo-palestiniennes doivent, par nécessité, se résumer à un jeu à somme nulle. Tout intérêt israélien n'est pas nécessairement en contradiction avec les intérêts palestiniens.

Il existe en réalité une vision commune qui unit les Israéliens, les Palestiniens modérés et la communauté internationale. Cette vision sert les objectifs des deux peuples et représente la base d'une paix véritable et durable.

Au cœur de cette vision repose l'idée d'une solution à deux Etats, Israël et la Palestine, vivant côte à côte dans la paix et la sécurité. Israël croit en cette vision et celle-ci a façonné tous nos principes de paix.

Le premier est inhérent à l'idée-même de deux Etats. Pour le peuple juif, Israël fut établi pour être notre foyer national. C'était la solution au problème des réfugiés juifs - la prise de conscience des droits des Juifs.

Et telle est la véritable vocation du futur Etat de Palestine : Devenir un foyer national pour tout le peuple palestinien - la réponse aux revendications palestiniennes, la concrétisation des rêves du peuple palestinien, la réponse au problème des réfugiés palestiniens - où qu'ils se trouvent.

Si les dirigeants palestiniens ne sont pas prêts à le dire, alors il faudrait que le monde le dise pour eux. Au lieu de donner un faux espoir, il est temps de mettre fin à l'exploitation du problème des réfugiés et de commencer à le régler sur la base d'une vision à deux Etats, à deux patries.

Ceci est la véritable et unique signification d'une vision à deux Etats. Cela demande à chaque peuple d'accepter que ses droits se réalisent à travers l'établissement de leur propre patrie, pas dans celle des autres.

Le second principe de paix provient du concept de vivre en paix et dans la sécurité. Sur la base de ce principe, la communauté internationale a insisté sur le fait que l'état de Palestine qui émergera à coté d'Israël ne puisse pas devenir un état terroriste. C'est la dernière chose dont notre région a besoin.

C'est la raison pour laquelle la Feuille de Route réclame la fin de la terreur. C'est pour cette raison que la communauté internationale a exigé que tout gouvernement palestinien, quel qu'il soit, remplisse trois conditions de base : renoncer au terrorisme, reconnaître à Israël le droit d'exister et accepter les accords israélo-palestiniens existants. Ces conditions ne sont pas un obstacle à la paix ou à l'établissement d'un état palestinien responsable ; elles sont les ingrédients essentiels pour la réalisation de ces objectifs.

Mettre fin au conflit israélo-palestinien nécessitera aussi un accord sur une frontière commune. Il y a ceux qui croient que si seulement nous pouvions remonter les aiguilles du temps et revenir en 1967, tout serait résolu. Mais en 1967, il n'y avait pas d'Etat palestinien, il n'y avait aucun lien entre la Cisjordanie et Gaza et il n'y avait aucun engagement pour une paix durable.

Une solution à deux Etats requiert la création d'une nouvelle réalité, qui n'a jamais existé dans le passé. Afin qu'elle réussisse, les deux camps devront s'engager dans un compromis et croire en la coexistence.

Madame la Présidente,

Si seulement nous pouvions aujourd'hui mettre un terme à ce conflit ! Mais nous avons appris des expériences amères qu'il ne suffit d'avoir une vision pour atteindre une paix durable. La paix doit se construite sur les fondations solides de valeurs partagées, et non sur le terrain mouvant des fausses promesses.

Sans cela, l'horizon politique restera toujours hors de notre portée. Nous avons vu les négociations être condamnées à cause de la méfiance et de la frustration. Nous les avons vues préparer le terrain à une plus grande violence, pas une plus grande compréhension. Nous ne pouvons nous permettre de renouveler cette expérience.

Malheureusement, l'Autorité Palestinienne est aujourd'hui dominée par une organisation terroriste qui enseigne la haine aux enfants et cherche à transformer ce conflit, en le faisant passer d'un différent politique qui peut être résolu à une confrontation religieuse sans fin. Le conflit israélo-palestinien est la conséquence, et non pas la cause, de cette idéologie d'intolérance et de haine. Nous ne pouvons pas atteindre la paix en ignorant ces réalités. Nous ne pouvons pas trouver les solutions de demain sans traiter les problèmes d'aujourd'hui.

Mais nous ne pouvons pas non plus abandonner l'espoir et je m'y refuse.

Dans un Proche-Orient ou être modéré est souvent synonyme d'être faible, notre défi est de donner du pouvoir aux artisans de la paix et de supprimer celui de leurs opposants. Les étapes de la feuille de route et les trois conditions de la communauté internationale ont été conçues précisément dans ce but.

Mais si le monde hésite à faire appliquer ces normes, les extrémistes y verront une opportunité. Et s'il apaise, ils y verront une victoire. Le temps de la détermination est venu, pas celui des demi-mesures et des formulations vagues. Le temps est venu d'exiger que les dirigeants palestiniens qui croient en la paix déterminent le futur sur ces bases, et non sur celles des terroristes.

Malheureusement, la route de la paix ne permet aucun raccourci. Mais l'attentisme n'est pas dans notre intérêt et il n'est pas notre politique.

C'est dans cet esprit qu'Israël s'est embarqué dans le douloureux processus de désengagement, afin de créer une occasion de progresser, mais, tristement, nous recevons en retour la terreur.

Et c'est dans cet esprit que j'ai rencontré, il y a deux jours, le Président Abbas et que nous nous sommes mis d'accord sur une re-dynamisation du dialogue entre nous et la création d'un canal permanent pour rechercher les voies afin d'avancer ensemble. Les parties n'ont pas besoin d'un nouveau débat pour exprimer leurs différences et la seul débat qui les résoudra est la table des négociations bilatérales.

Nous ne nous faisons pas d'illusion quant aux difficultés qui nous attendent - nous devons les affronter et non pas les ignorer. Mais nous pouvons avancer sur le chemin de la paix si nous avons la force de défendre ses principes et le courage d'affronter ses ennemis.

Madame la Présidente,

En ces jours, alors que les Juifs se préparent à accueillir une Nouvelle Année, les Musulmans du monde entier se préparent pour le mois sacré du Ramadan. Alors que deux grandes religions débutent leur voyage annuel de réflexion et de décision, que les nations du monde le débutent aussi !

Les prières juives nous disent que c'est une période de décision, pas seulement pour les individus, mais également pour les Etats : " Qui pour l'épée et qui pour la paix, qui pour la famine et qui pour l'abondance ".

Ce sont là des mots sobres, mais ce sont également des mots qui donnent de la force. Le message de ces jours particuliers est qu'aucun avenir n'est prédéterminé ; qu'aucun conflit n'est inévitable. Il nous appartient de faire les bons choix. L'Histoire nous jugera par rapport à eux.

Selon la formulation traditionnelle des vœux :

Que les malédictions de l'année passée prennent fin ! Que la bénédiction de la nouvelle année commence !

Shana Tova

Traduction : [FP/JFG-QuestionsCritiques]

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* Discours de Kofi Annan

* Hugo Chavez, République Bolivarienne du Venezuela

* Mahmoud Ahmadinejad, République Islamique d'Iran

* Evo Morales, République Constitutionnelle de Bolivie

* Luiz Inacio Lula da Silva, République Fédérative du Brésil

* Jacques Chirac, République Française

* Denis Sassou Nguesso, République du Congo

* Moritz Leuenberger, Confédération Suisse

* Karel DE GUCHT(ministre des affaires étrangères), Belgique

* General Emile LAHOUD, République du Liban

* Pierre NKURUNZIZA, République du Burundi

* Marc RAVALOMANANA, République de Madagascar

* Stephen HARPER, Canada

* Sidi Mohamed OULD BOUBACAR, République Islamique de Mauritanie

* Ahmed Abdallah SAMBI, Union des Comores

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