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AIEA

M. Amano s'en va-t-en Washington

Par Kaveh L. Afrasiabi
Asia Times Online, le 7 novembre 2011

article original : "Mr Amano goes to Washington"

Téhéran - En se rendant à Washington, avant la sortie très attendue de son nouveau rapport sur l'Iran, le chef de l'Agence Internationale à l'Energie à l'Atomique (AIEA), Yukiya Amano, a confirmé les récentes affirmations de WikiLeaks, selon lesquelles il voue une intense loyauté aux Etats-Unis.

Tandis que les détails des entretiens entre Amano et les plus grosses légumes de Washington restent confidentiels, l'avalanche de spéculation dans les médias concernant le contenu de son prochain rapport, le 9 novembre, qui inclut en annexe des détails laissant entendre l'activité de prolifération que mène l'Iran dans un complexe militaire à Téhéran, ne laisse aucun doute que l'agence atomique des Nations unies collabore totalement avec l'intention des Etats-Unis et de leurs alliés occidentaux et israélien de faire monter la pression sur Téhéran pour qu'il renonce à ses activités nucléaires actuelles. Dans le cas contraire, l'Iran s'exposerait à des conséquences terribles.

L'Iran a fait l'objet de plusieurs séries de sanctions unilatérales et onusiennes pour son programme nucléaire, que certains soupçonnent être destiné à construire une arme nucléaire - une accusation que rejette Téhéran.

Depuis 2002-2003, où les responsables étasuniens avaient sciemment menti à la communauté mondiale sur la menace des armes de destruction massive de l'Irak, le monde n'avait pas entendu un tel bruit assourdissant autour d'un rapport régional de l'AIEA. Une comparaison qui vient immédiatement à l'esprit, par rapport au discours officiel de Washington vis-à-vis de l'Iran, devrait se faire retourner dans sa tombe George Orwell.

L'Iran s'est officiellement plaint auprès de l'O.N.U. des menaces directe de la part des Etats-Unis, de la France et d'Israël : alors que les présidents américain et français se sont unis au sommet du G20 pour orchestrer une campagne iranophobique, en soutenant catégoriquement que l'Iran était engagé dans la prolifération nucléaire.

Comme d'habitude, une autre campagne sensationnelle de désinformation sur l'Iran est clairement en cours, avec des organes de presse occidentaux complaisants qui se font des choux gras avec un « container de la taille d'un bus » censé être construit pour tester des explosifs de grande puissance et qui pourraient bien s'avérer être destiné à des armes conventionnelles. L'autre élément à l'ordre du jour des médias d'information est « l'information accrue » selon laquelle l'Iran a fait joujou avec des modèles informatiques pour tester des têtes nucléaires.

Vu le discours guerrier croissant des dirigeants israéliens qui semblent de plus en plus s'enfermer dans un mode « il faut attaquer l'Iran », cela berce les oreilles de Tel Aviv.

Le ministre iranien des affaires étrangères, Ali Akbar Salehi, a accusé l'AIEA de céder aux pressions étasuniennes pour lancer une accusation contre l'Iran. « L'Iran a déjà répondu à cette prétendue étude de 117 pages. Nous n'avons cessé de répéter que ce sont des fabrications similaires à des notes falsifiées », a déclaré Salehi, samedi, à des journalistes à Téhéran. « L'AIEA ne devrait pas faire les choses sous pression extérieure [.] La question nucléaire de l'Iran n'est pas une question technique ou légale. C'est une affaire entièrement politique », a dit Salehi.

Le rapport de l'AIEA pourrait être la preuve finale dont les Israéliens ont besoin avant de lancer leurs missiles et de frapper les installations nucléaires de l'Iran, sans tenir compte si oui ou non l'AIEA est coupable d'adopter comme faits établis les preuves fabriquées par certains services secrets.

L'AIEA ne dispose d'aucun moyen indépendant pour corroborer la masse de renseignements qu'elle reçoit de la part d'autres pays. Ceci a été implicitement admis par le prédécesseur d'Amano, Mohammed ElBaradei, qui a jeté à plusieurs reprises le doute sur l'authenticité de ce que l'on appelle « les renseignements sur l'Iran ». Amano ne semble pas avoir le zèle de son prédécesseur pour l'indépendance requise, afin d'oser mettre en doute la vision occidentale sur l'Iran.

Selon une source bien placée à Washington, qui n'a pas souhaité être identifiée, la réelle intention d'Israël n'est pas la guerre, mais plutôt d'accélérer les sanctions contre l'Iran, en particulier par le Congrès des Etats-Unis, qui assaisonne des sanctions sur l'énergie et autres. Si c'est le cas, Israël fait du bon boulot, même si son bluff pourrait se retourner contre lui la prochaine fois, en particulier avec les Iraniens qui ont prévenu Israël de conséquences terribles s'il attaquait l'Iran.

Pour être couronnée de succès, une frappe israélienne contre l'Iran doit viser des dizaines de sites, dont certains sont à l'intérieur ou à proximité de zones habitées, ce qui veut tout simplement dire une forte probabilité qu'il y aurait un grand nombre de victimes civiles. Cela déclencherait un tsunami de colère populaire iranienne qui, à son tour, pousserait les dirigeants politiques à essayer de riposter aussi fermement que possible contre les intérêts israéliens et étasuniens. On peut parier à coup sûr que ce conflit ferait tache d'huile dans le Golfe Persique et qu'il affecterait négativement le flux de pétrole depuis cette région.

« L'Iran peut fermer le détroit d'Ormuz pratiquement à tout moment et cela mettrait un coup d'arrêt à l'exportation de quelques 6 millions de barils par jour qui sont acheminés par voie maritime depuis cette région », déclare un professeur universitaire en science politique à Téhéran, sous condition d'anonymat. A l'instar d'autres experts en politique étrangère iranienne, il pense que les Etats-Unis jouent mal en ne poussant pas Israël à mettre en veilleuse sa « rhétorique incendiaire ». Tandis que le président US Barack Obama est peut-être préoccupé par d'autres sujets, ceci pourrait s'avérer être une grave erreur très coûteuse.

Copyright 2011 Asia Times Online Ltd / Traduction [JFG-QuestionsCritiques]

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