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la diplomatie en perspective

Elaraby vient rendre-compte sur le nouveau Proche-Orient

Par M. K. Bhadrakumar
le 28 mai 2011

article original : "Elaraby brings the new Middle Eastern narrative"

Parfois, il peut arriver dans la vie ou dans la politique qu'un petit aparté dans le feu de l'action vende la mèche - le brouillard se lève, dégageant une bande de visibilité de 100 mètres. Un de ces moments s’est produit au Caire vendredi, lorsque Omar Suleiman a craqué et s’est « mis à table ». Imaginez l'émotion du moment où vous trahissez l'homme à qui tout vous devez tout. Comme Assadullah Sarwari trahissant Hafizullah Amin[1] ou Lavrenti Beria trahissant Joseph Staline[2].

Suleiman, le redoutable maître-espion égyptien, a déclaré hier aux procureurs du Caire qu'il n’y a pas eu le moindre impair dans tout ce qu’il a fait et que tous les meurtres sur la place Tahrir ont été entrepris sur l’initiative de Hosni Moubarak. Il a déclaré que Moubarak était au courant de toutes les balles qui ont été tirées et qu'il lui a fait des comptes-rendus toutes les heures sur les conséquences de toutes ces balles qui étaient tirées.

C’est un jeu très ancien que celui de se refiler la patate chaude. Suleiman ne peut justifier facilement tout le sang qu’il a sur les mains, que les eaux du Nil ne pourront jamais laver, et la seule chose sensée à faire est de renvoyer la balle à Moubarak. Il sait aussi qu'il y a une extraordinaire tempête révolutionnaire qui se développe à l'extérieur de la cellule où il est détenu, avec les masses qui insistent pour que l’armée, la fraction réactionnaire par excellence de toute société, doit obéir à la volonté du peuple et élaborer les politiques qui permettront d’apaiser l’âme tourmentée de l'Egypte.

Et la vérité c’est que l'armée obéit. Le passage de Rafah avec la bande de Gaza a été ouvert, aujourd'hui, de façon permanente. Les Palestiniens ne sont plus soumis au blocus ! Et Israël ne peut rien y faire. L'armée égyptienne va de l'avant avec le pacte d'unité palestinienne, malgré les protestations d'Israël et en ignorant les condamnations de Barack Obama.

Nabil Elaraby, le ministre égyptien des Affaires étrangères - qui orchestre le nouveau « partenariat » de l’Egypte avec les États-Unis, qui défait les liens de sécurité avec Israël, qui réengage son pays avec la fraternité arabe et qui tisse des liens avec l'Iran - arrive sans aucun doute à Delhi aujourd'hui. Elaraby est un érudit diplomate rare et il aura beaucoup de choses palpitantes, intellectuellement stimulantes et au plus haut point envoûtantes à raconter aux dirigeants indiens. Et pourtant, nos médias et les membres de nos think tanks semblent ignorer qui est Elaraby. Ils ne parlent que de la secrétaire américaine à la Sécurité intérieure Janet Napolitano. Pas un mot sur Elaraby ! Ne sont-ils pas semblables à des grenouilles dans un puits coassant en direction du petit bout de ciel qu’elles voient au-dessus d’elles et qui pensent que le firmament se limite à ça ? En Inde, le personnel de la politique étrangère qui a établi un contact avec Elaraby dépasse encore une fois l’intelligentsia [indienne], qui paraît de ce fait bien terre à terre.

M K Bhadrakumar a servi en tant que diplomate de carrière dans les services extérieurs indiens pendant plus de 29 ans. Ses affectations incluent l'Union Sovétique, la Corée du Sud, le Sri Lanka, l'Allemagne, l'Afghanistan, le Pakistan, l'Ouzbékistan, le Koweït et la Turquie.

Traduction [JFG-QuestionsCritiques].

Notes :
______________________

[1] Né en 1941, Assadullah Sarwari était membre de la branche Khalq du Parti populaire démocratique d'Afghanistan (PPDA), arrivé au pouvoir par le biais d'un coup d'Etat en avril 1978. La branche Khalq (« peuple ») s'est retrouvée constamment en lutte interne avec la faction Parcham (« drapeau ») du PPDA.

Dès le 1er avril 1979, Sarwari était le chef de la police secrète AGSA (Afghanistan Gattho Satunkai Aidara/ Administration afghane pour la sécurité de l'Etat), l'organisation qui a précédé le KhAD, la police secrète créée en 1980 pour débarrasser le régime de ses opposants internes.

Sarwari a été impliqué dans une tentative d'assassinat du premier ministre Hafizullah Amin, mais a dû fuir en URSS après l'échec de cette conspiration. Après l'invasion soviétique en décembre 1979, Sarwari est revenu en Afghanistan, est devenu vice-président, vice-premier ministre et ministre du transport dans le gouvernement de Babrak Karmal, soutenu par l'URSS. En janvier 1980, Sarwari est également devenu un membre du politburo du PPDA.

En juin 1980, toutefois, en raison de luttes internes au PPDA, la carrière politique de Sarwari a pris fin en raison de luttes internes au PPDA. Le président Karmal (membre de la faction Parcham) a déchu Sarwari de ses responsabilités et l'a envoyé en Mongolie comme ambassadeur.

Plusieurs milliers d'opposants politiques ont été torturés et tués par les différents services secrets et de sécurité afghans sous le régime communiste durant les années 80. Sarwari est suspecté d'avoir lui-même torturé d'importants opposants politiques.

Sarwari serait détenu depuis 1992, lorsque des factions moudjahiddines ont renversé le gouvernement prosoviétique de Kaboul. (source : TRIAL)

[2] En 1938, Lavrenti Beria était Commissaire au Peuple pour les Affaires intérieures (chef du NKVD). Le 19 juillet 1941, il prit la tête du Bureau spécial (OO) du NKVD, responsable du Contre-espionnage et de la Sécurité intérieure au RKKA (Armée rouge). Après l'attaque de l'URSS par l'Allemagne nazie en juin 1941 et la succession de défaites enregistrées par l'Armée rouge, cette position lui permit de mener, sur ordre de Staline, les purges contre les généraux du RKKA, accusés de trahison ou de lâcheté. En 1943, il fut pour quelque temps (du 19 avril au 20 mai 1943), l'un des représentants de Staline quand celui-ci occupa le poste de Commissaire au Peuple pour la Défense de l'URSS.

Sa carrière prend alors un essor croissant. En avril 1943, alors qu'il dirigeait le contre-espionnage soviétique, il prit la tête du SMERSH dès sa création, avec le rang de Commissaire en second de la Sécurité d'État et le titre de Vice-commissaire à la Défense. En 1946, Staline nomma Abakoumov à la tête du ministère pour la Sécurité d'État (MGB). Bien que ce ministère fût sous la supervision générale de Beria, Staline espérait fléchir par cette nomination le pouvoir de ce dernier en le plaçant sous la surveillance d'Abakoumov. Dans ce cadre, Abakoumov fut le responsable de la purge de 1949, purge connue comme l'affaire de Léningrad et qui conduisit à l'exécution de deux membres du Politburo, Nikolaï Voznessenski et Alekseï Kouznetsov.

Depuis le début des années 1950, Staline soupçonnait le chef des services secrets du MVD, Lavrenti Beria de vouloir lui nuire. Un "complot" ignoré par Beria aurait donné un bon prétexte à Staline pour l'accuser d'incompétence et l'écarter du pouvoir. Il serait remplacé par Abakoumov tandis que ses proches seraient mêlés à l'affaire et ainsi pourraient être éliminés. Mais le temps jouait contre Abakoumov qui fait traîner l'affaire, affaire qui allait devenir célèbre comme le Complot des blouses blanches et qui sera dénoncée directement à Staline à la fin de 1951 par un employé du MGB, Mikhaïl Rioumine. Le premier résultat de cette machination antisémite à l'encontre de médecins, fut l'arrestation d'Abakoumov en juillet 1951 et, selon Soljenitsyne, même Beria sembla un temps en danger. Dès lors, l'instruction et le procès furent bouclés en moins d'un an par Semion Ignatiev et Mikhaïl Rioumine. Seule la mort de Staline le 5 mars 1953 devait permettre à l'accusation contre les "blouses blanches" de s'effondrer. Beria devenant vice-président, fit mettre fin à l'affaire. La Pravda du 4 avril publia un communiqué annonçant que le complot des médecins n'avait jamais existé et que ces derniers étaient désormais réhabilités. Rioumine fut arrêté, jugé et exécuté. Abakoumov, quant à lui, ne fut pas libéré ; il devait finalement être jugé pour son rôle dans l'affaire de Leningrad et fusillé le 18 décembre 1954.

(source : Carnets-de-Guerre-39-45)


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