Moudjahidin
BAJOUR, Pakistan —
Au cours des derniers jours, depuis le début du siège de la Mosquée Rouge à Islamabad, le 3 juillet, que les soldats pakistanais ont fini par prendre d'assaut sept jours plus tard, plus de 100 personnes, essentiellement au sein des forces de sécurité, ont été tuées lors d'attaques dans la Province de la Frontière du Nord-Ouest à commencer dans la région de Swat.
Dans cette région, le mouvement pro-Taliban interdit, le Tehrik-Nifaz-i-Shariat-i-Mohammadi (TNSM) — Le Mouvement pour l'Application des Lois Islamiques — a une très grande influence, attisée par son dirigeant, Maulana Fazalullah.
On pense qu'un grand nombre des activistes de la Mosquée Rouge et des étudiants des madrasa associées viennent de cette province, où les forces de sécurité subissent la vengeance de ses habitants. Des milliers de soldats ont été mobilisés par l'armée dans cette zone.
D'une façon similaire, les Taliban pakistanais du Waziristân Nord ont annoncé dimanche que leur accord de paix passé il y a 10 mois avec le gouvernement était caduc. Les combattants ont déclaré que cet accord — destiné à réduire les attaques transfrontalières à l'intérieur de l'Afghanistan — n'était plus d'actualité et qu'ils allaient reprendre les attaques contre l'armée pakistanaise.
Vers le sud de Swat, à Mamoun (Bajour Agency), dans les Zones Tribales du Pakistan Administrées au niveau Fédéral (FATA — Federally Administered Tribal Area), la situation est également rétive. Mais l'activisme local est dirigé de l'autre côté de la frontière, en Afghanistan, contre les troupes étrangères qui se trouvent là-bas.
Les services de renseignements occidentaux pensent qu'Oussama ben Laden, son adjoint le Dr Ayman al-Zawahiri, Gulbuddin Heykmatyar et autres grands chefs d'al-Qaeda et des Taliban ont un libre accès à cette région pour se rencontrer et planifier les opérations. Des attaques transfrontalières à l'intérieur de l'Afghanistan sont fréquemment fomentées depuis cette zone.
La zone de Bajour a été touchée deux fois par les drones prédateurs de la CIA — en particulier, une fois pour Zawahiri. Cependant, à un moment où al-Qaïda est réactivé et que la préoccupation principale des Taliban est de faire le siège de Kaboul, via le Nuristan, la province d'Afghanistan adjacente, la surveillance aérienne est considérée comme insuffisante.
En conséquence, une grande base étasunienne est en cours de construction en haut de la montagne au col de Ghakhi, sur la frontière pakistano-afghane (Bajour).
Les partisans de la lutte armée pensent que cette base est construite en préparation d'une opération à l'intérieur du Pakistan, pour les réprimer et aussi reprendre la chasse à ben Laden et à ses associés. Par conséquent, dans une tentative de retarder sa construction, les activistes ont attaqué cette nouvelle base.
"Pour les Moudjahidin, c'est une question de vie ou de mort. Nous répandrons notre sang mais nous ne laisserons jamais cette base se terminer", a déclaré le Dr Ismail à l'Asia Times Online, alors qu'il se tenait devant la tombe de son fils, tué par les forces étasuniennes, il y a quelques semaines, alors qu'il attaquait la base.Ismail, grand et costaud, est le chef du TNSM et est la source principale d'inspiration des Djihadistes de Bajour. "Mon fils a sacrifié sa vie contre les desseins américains de construire cette base au-dessus de nos têtes. Je ne leur permettrai jamais de la terminer, je combattrai jusqu'à mon dernier souffle.
"Le martyre pour la cause du Djihad est réellement une invitation pour tous les Musulmans à joindre leurs forces avec les Moudjahidin. Les visages frais des moudjahidin après le martyre, l'arôme de leur chair et de leur sang, sont des miracles vivants et incitent les jeunes de la région à joindre leurs forces aux Moudjahidin pour vaincre la coalition occidentale en Afghanistan", a déclaré Ismail.
Le récit d'Ismail sur les "miracles" a été une révélation pour beaucoup et, ces derniers mois, le nombre des Djihadistes à Bajour Agency est monté en flèche — en même temps que l'ordre public s'est détérioré.
Bajour est une région relativement progressiste de la FATA, en contraste avec les zones tribales du Waziristân Nord et du Waziristân Sud. Grâce à son réseau d'écoles et d'établissements d'enseignement supérieur, elle a un taux élevé d'alphabétisation et elle vante ses réseaux routiers et ses complexes sportifs modernes.
Parmi les groupes qui opèrent dans la région, il y a le Harkat ul-Mujahideen, le Tanzim Ishat-i-Toheed Wal Sunna de Maulana Faqir Mohammed et plusieurs unités arabes. Leurs activités ont attiré beaucoup de sang frais qui ont joint leurs forces aux Taliban. Tandis que la plupart des groupes sont concentrés sur l'Afghanistan, quelques-uns s'affrontent dans la région aux troupes pakistanaises.
Ismail fait partie du TNSM, mais au contraire de Maulana Fazalullah de la Vallée de Swat, il ne veut pas de confrontation avec l'establishment pakistanais — son seul objectif est de recruter des troupes pour l'Afghanistan.
"Notre seul but est de prêcher la vertu dans la région et nous ne travaillons pas à l'application de la charria [la loi islamique] en nous affrontant à l'Etat. Ceux qui veulent se battre contre l'establishment pakistanais n'ont aucune profondeur d'esprit.
"Une fois, le Mollah Omar [le chef des Taliban] m'a cité l'exemple d'un policier qui, devant ses supérieurs, n'aurait épargné personne — même pas son père — lorsqu'il était en service. Mais en l'absence de ses supérieurs, il aurait laissé s'échapper tous ceux qu'il voulait.
"La même chose est vraie avec le Pakistan qui est comme un policier dont l'officier est l'Amérique. Lorsque les Américains surveillent de près le Pakistan, cela force [le Pakistan] à entreprendre des opérations, mais quand les Américains ne sont pas là, ce pays ferme les yeux sur les Moudjahidin", a déclaré Ismail.
Pourtant, Ismail admet qu'auparavant, lorsqu'il combattait l'armée pakistanaise en 1994 avant de s'exiler en Afghanistan, il était moins philosophe. Depuis qu'il est rentré au Pakistan, il a été détenu par deux fois — la dernière fois étant il y a quelques mois. A cette occasion, un grand rassemblement a été organisé en son honneur et les Américains en ont profité pour bombarder la zone, avec pour objectif de tuer un grand nombre d'étudiants d'une madrasa.
"Je suis convaincu qu'il est déraisonnable de se battre contre les troupes pakistanaises. Nous n'atteindrons ainsi jamais aucun objectif à long terme. A la place, nous dévierons de la cause principale qui est de combattre les troupes occidentales en Afghanistan", a dit Ismail.
Nous nous trouvions à environ 3 km de la base américaine en construction et nous pouvions clairement voir ses murs nouvellement érigés. Ismail a pointé la base du doigt. "C'est l'œil américain qui est pointé sur nous. Ils ont construit cette base en hauteur et, une fois terminée, nous serons tous exposés.
"A Kunar [province d'Afghanistan], je connais tous les hauts-fonctionnaires afghans. Et j'ai conscience qu'une fois cette base terminée, ils viendront fréquemment dans notre région s'immiscer dans nos affaires. C'est aussi un moyen de pression pour le gouvernement pakistanais. Donc, si nous ôtons une telle pression, le Pakistan ne nous ennuiera certainement pas, parce que tout ce que le Pakistan fait contre nous est sous contrainte", a déclaré Ismail.
"Initialement, j'ai contacté les habitants de Kunar et je les ai appelés à ne pas fournir de main d'œuvre pour la construction de la base. Mais, comme cela n'a pas eu beaucoup d'effets, nous avons demandé aux jeunes de provoquer des attaques et, à présent, nous avons réussi à retarder la construction."
Au cours des deux dernières années, depuis l'Afghanistan, Bajour a été la cible des forces de la coalition et l'on peut s'attendre à ce que leurs efforts s'intensifient dans le cadre de leurs opérations antiterroristes.
Les chefs de la coalition en Afghanistan pensent que l'influence des Taliban s'étend sur toute la partie qui sépare la Lal Masdjid (à présent nettoyée), à Islamabad, jusqu'à la Vallée de Swat et ensuite dans Malakand Agency et dans Bajour Agency. A partir de Bajour, elle leur influence se faufile dans les provinces de Kunar et du Nuristan en Afghanistan, jusqu'à la petite province de Kapisa à environ 60km au nord de Kaboul. Les mouvements de Ben Laden ont été remarqués à plusieurs reprises dans cette ceinture, tout comme ceux de Zawahiri. D'où les efforts renouvelés pour les traquer.
"Le mouvement moudjahidin approche de son point culminant et, bientôt, les troupes de l'OTAN verront la terre se dérober sous leurs pieds à Kunar et leurs ambitions se calmeront", a prédit Ismail en toute confiance.Syed Saleem Shahzad est le chef du bureau au Pakistan de l'Asia Times Online.
Copyright 2007 Asia Times Online Ltd/Traduction : Questionscritiques
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