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Comme le fit en son temps Jefferson,
il faut croire les Français

Israël Crée une Crise Humanitaire

Par Marjorie Cohn
CounterPunch — 4 juillet 2006
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Les horreurs quotidiennes qui nous viennent d'Irak ont eu pour conséquence qu'une majorité de gens aux Etats-Unis s'oppose à la guerre que Bush livre là-bas. Pendant ce temps, la crise humanitaire qu'Israël a créée dans les Territoires Occupés n'est pas entrée dans le champ du radar de la plupart des Américains.

Israël s'est servi de la mort de deux soldats israéliens et de la capture d'un troisième par les Palestiniens comme d'une excuse pour envahir la Bande de Gaza avec une force militaire écrasante et démolir ses infrastructures. Ce qu'Israël et son bienfaiteur - les Etats-Unis - veulent vraiment est détruire le gouvernement démocratiquement élu du Hamas.

Ce sont les événements, dont Israël a été l'instigateur ces dernières semaines, qui ont conduit à la capture du soldat israélien. L'armée israélienne a tué plus de 30 civils, dont trois enfants et une femme enceinte.

Durant la semaine qui a suivi la capture du soldat israélien, l'artillerie israélienne, fournie par les Etats-Unis, a pilonné le nord de la Bande de Gaza. Ses avions ont attaqué les ponts des routes principales et ses hélicoptères ont fait sauter la principale centrale électrique de Gaza, laissant la moitié de sa population (1,5 millions de personnes) et ses deux principaux hôpitaux sans électricité ni eau courante. Les Nations-Unies et le Comité International de la Croix-Rouge ont lancé une alerte à la crise humanitaire.

Les troupes et les chars israéliens ont roulé dans le sud de la Bande de Gaza, dans le plus grand des assauts, depuis qu'Israël s'est retiré de Gaza en 2005. Israël a kidnappé 64 ministres et députés palestiniens appartenant à la majorité gouvernementale. Israël a bombardé le bureau du Premier ministre Ismail Haniyeh.

Le président israélien Ehoud Olmert a fait la déclaration incroyable suivante que "les vies et le bien-être des habitants [Juifs] de Sdérot sont plus importants que les morts de douzaines de Palestiniens innocents". The Associated Press a cité Olmert déclarant : "Je veux que personne ne puisse dormir la nuit à Gaza. Je veux qu'ils sachent ce que l'on ressent".

La crise causée par le gouvernement israélien a mis en colère de nombreux citoyens israéliens.

Des centaines d'Israéliens ont protesté à l'extérieur de bureau d'Olmert, dénonçant le gouvernement [israélien] comme criminels de guerre et exigeant la fin de l'invasion de Gaza. "Nous appelons notre gouvernement à cesser de viser des civils palestiniens - prendre des civils pour cible est un crime de guerre - et à commencer à négocier avec les dirigeants palestiniens élus, pas de les arrêter", a déclaré Yishai Menuhin, un porte-parole du groupe pour la paix, Yesh Gvul.

Gideon Levy, le commentateur du quotidien israélien Haaretz, a aussi critiqué les actions israéliennes. Il a écrit : "Un Etat qui prend de telles mesures ne se distingue plus d'une organisation terroriste".[1]

Les représailles brutales d'Israël contre des civils palestiniens constituent une punition collective. Des attaques contre une population civile comme forme de punition collective viole l'article 50 des Règlements de La Haye, qui stipulent : "Aucune peine collective, pécuniaire ou autre, ne pourra être édictée contre les populations à raison de faits individuels dont elles ne pourraient être considérées comme solidairement responsables."

La Quatrième Convention de Genève interdit aussi la punition collective. Son article 33 dit : "Aucune personne protégée ne peut être punie pour une infraction qu'elle n'a pas commise personnellement. Les peines collectives, de même que toute mesure d'intimidation ou de terrorisme, sont interdites." La Convention demande que tous les Etats se joignent à elle pour poursuivre les auteurs de crimes de guerre, "ayant causé des destructions de grande envergure … qui ne sont pas justifiées par la nécessité militaire et qui sont effectuées illégitimement et gratuitement", et faire en sorte qu'ils soient condamnés. Amnesty International a dit que ces attaques délibérées par les forces israéliennes contre la propriété civile et les infrastructures sont des crimes de guerre.

De la même manière, la punition collective est interdite par l'article 75 du Protocole additionnel (I) des Conventions de Genève. Ainsi que quatre Juges de la Cour Suprême [des Etats-Unis] l'ont convenu [dans le procès] Hamdan v. Rumsfeld la semaine dernière, l'Article 75 fait "indiscutablement partie du droit coutumier international".

Avant l'invasion de Gaza, la semaine dernière, le Hamas commençait à revenir sur sa position selon laquelle Israël n'a aucun droit à exister. D'ailleurs, le Financial Times a cité Ephraïm Halevy, l'expert en sécurité le plus respecté d'Israël, dans ses colonnes : "Pourquoi Israël devrait-il se préoccuper de savoir si le Hamas lui accorde le droit d'exister ? Israël existe et sa reconnaissance ou sa non-reconnaissance par le Hamas n'ajoute rien ou ne retire rien à ce fait irréfutable." [2]

L'Etat d'Israël n'est plus en danger de disparaître. Israël est la quatrième puissance militaire du monde. Son "ennemi", le peuple palestinien, ne possède ni chars, ni aviation, ni d'artillerie lourde.

Le soutien fidèle et constant des Etats-Unis aux politiques israéliennes - pour un montant de plus de 3 milliards de dollars d'aide par an - a permis au gouvernement israélien de conduire une guerre au terrorisme contre les Palestiniens. Un jour, Yasser Arafat avait déclaré à un journaliste américain : "Je vais vous dire ce que cette guerre nous a appris. Elle nous a appris que le véritable ennemi sont les Etats-Unis. C'est contre vous que nous devrions nous battre. Pas parce que vos bombes tuent notre peuple mais parce que vous avez fermé les yeux sur ce qui est moral et juste".

Si les Etats-Unis souhaitaient vraiment agir selon leur rhétorique humanitaire, ils devraient appliquer une pression politique et économique à laquelle Israël ne pourrait résister. Selon la Loi sur le Contrôle de l'Exportation des Armes [Arms Export Control Act ] de 1976, l'équipement militaire vendu par les Etats-Unis ne peut servir qu'à des raisons défensives ou pour maintenir la sécurité intérieure. Israël a utilisé des avions de chasse F-16, des hélicoptères d'attaque Apache et Cobra, des obusiers de 150 mm, des fusils automatique M-16, des mitrailleuses M50 et beaucoup d'autres armes et munitions fournies par les Etats-Unis. Le Général américain retraité James J. David, dans une lettre qu'il a adressée à Colin Powell en janvier 2002, écrivait : "Si vous refusez aux Palestiniens des armes pour qu'ils se défendent, alors, vous devez stopper toute aide économique et militaire à Israël."

La loi US sur l'Assistance Etrangère [Foreign Assistance Act] interdit aux Etats-Unis d'apporter assistance au gouvernement de tout pays "qui est engagé dans un modèle constant de violations grossières des droits de l'homme internationalement reconnus". Les Etats-Unis devraient mettre fin à l'agression d'Israël contre les Palestiniens en suspendant toute aide économique et militaire à Israël jusqu'à ce que ses forces militaires se soient retirées des territoires palestiniens occupés.

Mais Israël est le l'Etat client des Etats-Unis au Moyen-Orient et Bush n'est que l'énième président des Etats-Unis à poursuivre cette relation symbiotique.

Le Hamas a répondu à la récente agression israélienne par des menaces de représailles. Cela signifie probablement le retour aux attentats-suicides, auquel le Hamas avait mis fin il y a plus d'un an. Une déclaration signée par le porte-parole du Hamas Abou Obeidi dit : "Nous réitérons que l'agression continue et les actes terroristes de l'occupation tyrannique contre le peuple palestinien, au milieu du silence de la communauté internationale, plongera la région dans un bain de sang".

Un éditorial du , de 2002, disait : "La rudesse croissante des pratiques militaires israéliennes en Cisjordanie et à Gaza crée des milliers de kamikazes potentiels et de haineux d'Israël tout en rendant fruste toute une génération de soldats israéliens." United for Peace and Justice, l'association humanitaire qui milite pour la paix et la justice au Moyen-Orient, a appelé à l'arrêt immédiat de l'attaque de Gaza par les FDI, l'arrêt de l'aide financière et militaire à Israël, de même que le soutien des Etats-Unis à l'occupation israélienne des Territoires Palestiniens, ainsi que l'envoi immédiat d'aide humanitaire pour la population de Gaza par le gouvernement des Etats-Unis.

Il est temps que le peuple américain exiger que le gouvernement des Etats-Unis mette fin à son soutien de l'agression israélienne contre le peuple palestinien.

Marjorie Cohn est professeure à l'Ecole de Droit Thomas Jefferson [Thomas Jefferson School of Law], présidente élue de la Guilde Nationale des Avocats et la Représentante étasunienne de l'Association Américaine des Juristes.

Traduit de l'anglais par [JFG-QuestionsCritiques]

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Notes:

[1] Lire l'article de Gideon Levy, Le Drapeau Noir (A Black Flag, Haaretz, 2 juillet 2006)

[2] Lire l'article de Henry Siegman, Le problème n'est pas que le Hamas reconnaisse ou non Israël (Financial Times, le 8 juin 2006).