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Pourquoi ils haïssaient DSK

Les banquiers se réjouissent des déboires du patron du FMI

Par Mike Whitney
CounterPunch, le 17 mai 2011

article original"Bankers Cheer as IMF Head Faces Sexual Assault Charges"

Même s'il n'est pas déclaré coupable par le tribunal de New York, alors qu'une femme de chambre de 32 ans dit avoir été agressée et forcée à lui faire une fellation, Dominique Strauss-Kahn est bien fini en tant que force politique.

Il est fini en tant que chef du FMI et sa candidature contre Sarkozy semble également être en lambeaux.

Le patron du FMI a certainement des ennemis hauts placés qui se réjouiront de ses déboires. Il s'était récemment coupé de la « ligne partisane » et avait commencé à changer l'orientation du FMI. Dans un article récent, intitulé « Le changement du FMI »[1], l'économiste progressiste Joseph Stiglitz encourageait le chemin de Damas qu'il empruntait pour sa conversion. En voici un extrait :

« La réunion de printemps annuelle du Fonds Monétaire International fut remarquable en ce qu'elle a été caractérisée par les efforts déployés par le FMI pour se distancer de sa propre doctrine en matière de contrôles des capitaux et de flexibilité du marché du travail. Il semble qu'un nouveau FMI ait progressivement émergé, de façon prudente, sous le leadership de Dominique Strauss-Kahn.

« Un peu plus de 13 ans auparavant, lors de sa réunion à Hong Kong en 1997, le FMI avait tenté d'amender sa charte de manière à obtenir plus de liberté pour pousser les pays vers la libéralisation de leur marché de capitaux. Le Fonds n'aurait pu choisir un pire moment : la crise est-asiatique était en incubation – une crise largement due à la libéralisation des marchés de capitaux dans une région qui n'en avait pas besoin, étant donné son taux d'épargne élevé.

« Il s'agissait d'une exigence des marchés financiers occidentaux – et des ministères des finances occidentaux qui les servent si loyalement. La dérégulation financière aux Etats-Unis a été la cause principale de la crise mondiale qui a éclaté en 2008, et la libéralisation des autres marchés financiers et de capitaux a permis la propagation de ce mal "made in USA" à travers le monde.

« Cette crise a démontré que des marchés libres et sans entrave ne sont ni efficients, ni stables. »

Donc, Strauss-Kahn a essayé de repositionner le FMI de façon plus positive, vers une orientation ne nécessitant pas des pays qu'ils laissent leurs économies ouvertes aux ravages du capital étranger qui se déplace très vite – faisant monter les prix et créant des bulles – et qui se retire tout aussi vite, laissant derrière lui le fléau d'un chômage élevé, une demande en chute libre, des industries claudicantes et une sévère récession.

Strauss-Kahn avait cherché à établir une voie « plus douce et plus convenable », une voie qui ne forcerait pas les dirigeants étrangers à privatiser leurs industries nationales ou à étouffer leurs syndicats. Naturellement, ses actions n'ont pas été accueillies chaleureusement par les banquiers et les corporatistes qui comptent sur le FMI pour légitimer leur pillage incessant du reste du monde. Eux pensent que les politiques actuelles sont « parfaites » parce qu'elles produisent les résultats qu'ils recherchent, c'est à dire de plus gros profits pour eux-mêmes et une plus grande pauvreté pour tous les autres.

Ecoutons à nouveau Stiglitz :

« Strauss-Kahn se révèle être un patron du FMI clairvoyant. […] Pour reprendre les mots avec lesquels Strauss-Kahn a conclu le discours qu'il a prononcé devant la Brookings Institution, quelques jours avant la réunion récente du FMI : "En fin de compte, l'emploi et l'équité sont des éléments de stabilité économique et de prospérité, de stabilité politique et de paix. Cela est au cœur du mandat du FMI. Cela doit être placé au cœur de l'agenda politique". »

Exact. Le FMI sera donc désormais un agent de la redistribution de richesse… (pour) « renforcer les négociations collectives, restructurer les emprunts immobiliers, restructurer les taxes et les politiques de dépense, afin de stimuler dorénavant l'économie au moyen d'investissements à long-terme et par la mise en place de politiques sociales qui garantissent les mêmes opportunités à tous » ? (selon Stiglitz)

Bonne chance !

Vérifiez cela avec la « Campagne Mondiale » et jugez vous-même si Strauss-Kahn est devenu un « handicap » qui devait être éliminé afin que le business consistant à extraire la richesse des peuples les plus pauvres sur terre puisse se poursuivre à grande vitesse :

« Pendant des décennies, le Fonds Monétaire International (FMI) a été associé par les militants anti-pauvreté, contre la faim et pour le développement, au symbole de tout ce qui ne va pas dans la gestion fiscale par le monde riche du reste du monde, en particulier les nations pauvres, avec son insistance apparemment unidimensionnelle sur les politiques fiscales d'austérité comme prix à payer pour les prêts qu'il accorde et sur la philosophie économique du "trickle-down"[2], qui a traditionnellement aidé l'élite riche à maintenir le statu quo, tandis que la majorité était maintenue dans la pauvreté et restait pauvre et impuissante. Avec un monde qui se révolte de plus en plus à cause de telles réalités et après la crise financière mondiale, dans le sillage du large abandon des politiques de régulation et autres qui avaient donné de bons résultats après la Grande Dépression, le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn, n'a fait rien de moins qu'observer avec stupéfaction combien le FMI et le monde avaient besoin de changer de politique.

« Dans un article paru hier dans le Washington Post, Howard Schneider a écrit qu'après que le krach de 2008 a de nouveau conduit à la régulation des compagnies financières et à l'implication du gouvernement dans l'économie, pour Strauss-Kahn, ‘le boulot n'a été fait qu'à moitié, alors qu'il a amené le fonds à repenser fondamentalement sa théorie économique. Lors d'observations récentes, il [DSK] a dressé le tableau général de ses conclusions : La régulation étatique des marchés doit être plus étendue ; la politique mondiale doit créer une distribution plus équitable des revenus ; les banques centrales doivent faire plus pour empêcher le coût des emprunts et les prix des actifs de croître trop vite. ‘Le balancier oscillera du marché vers l'Etat', a déclaré Strauss-Kahn dans un discours prononcé la semaine dernière à l'Université George Washington.

‘La mondialisation a apporté beaucoup […] mais elle a également une face sombre, un gouffre profond qui continue de se creuser entre les riches et les pauvres. Il est clair que nous avons besoin d'une nouvelle forme de mondialisation pour empêcher la « main invisible » de marchés approximativement régulés de devenir « une poigne invisible ».

Répétez : « …repenser fondamentalement la théorie économique » … (une plus grande) « distribution des revenus » … (plus de) « régulation des compagnies financières », « les banques centrales doivent faire plus pour empêcher le coût des emprunts et les prix des actifs de croître trop vite ».

Il n'y aura pas de révolution au FMI. C'est du pipeau. Cette institution a été créée dans la claire intention d'arnaquer les pays pauvres et elle a accompli un travail impressionnant à cet égard. Il n'y aura pas non plus de changement politique. Pourquoi y en aurait-il un ? Les banquiers et les rats des grandes entreprises ont-ils soudain acquis une conscience et décidé de prêter la main à une humanité qui souffre depuis longtemps ? Soyez réalistes !

Strauss-Kahn a été remplacé par le n°2 du FMI, John Lipsky, l'ancien vice-président de JPMorgan Investment Bank. Et vous croyez toujours au changement ?

Traduit de l'anglais (US) par [JFG-QuestionsCritiques]

Notes :
__________________________

[1] "Le changement du FMI", par Joseph Stiglitz, Project Syndicate, le 5 mai 2011.

[1] Trickle-down, littéralement « suintement », est une théorie économique qui prétend que si les riches deviennent plus riches, alors il y aura des retombées pour les plus pauvres.

Pour comprendre comment l'oligarchie financière a créé ce système, on lira avec intérêt Les Secrets de la Réserve Fédérale, de Eustace Mullins, éditions le Retour aux Sources.




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