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Halte des missiles, la terreur continue

Palestine : Le conflit perpétuel conçu par Israël

Par Graham Peebles
CounterPunch, le 29 novembre 2012

article original : "Perpetual Conflict by Israeli Design"
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Or donc, pour un temps ou deux, le massacre de civils palestiniens et la destruction de la ville de Gaza ont cessé ; cependant, l'oppression, l'intimidation et la terreur dans tous les Territoires Palestiniens Occupés se poursuivent avec la même violence. La « colonne de nuée » [cf. Exode, 13 :21] ou « Pilier de Défense » a accompli son œuvre destructrice puis s'est calmée, jusqu'à la prochaine fois où Israël éprouvera à nouveau la forte envie d'infliger le chaos, de tuer des civils et de détruire des familles. Combien de fois devons-nous assister à ce massacre, combien de larmes devront encore couler, combien de vies ruinées, d'avenir refusé ? Izzeldin Abuelaish, le militant pour la paix, a posé ainsi cette question dans The Observer du 18/11/2012 : « Combien de massacres les Palestiniens peuvent-ils encore supporter ? Combien de massacres les spectateurs peuvent-ils encore tolérer ? »

Durant le déchaînement militaire israélien long d'une semaine, et à la suite de l'argument circulaire épousé par les principaux porte-parole militaires israéliens et répété à l'infini par les lâches alliés d'Israël, selon lequel « lorsque le Hamas cessera de tirer des roquettes, Israël cessera sa brutalité », 162 Palestiniens ont été tués et, selon le Centre Al Mezan pour les Droits de l'Homme (AMDH), 1.039 ont été blessés - dont la moitié étaient des femmes et des enfants ; voilà les « frappes chirurgicales » du Premier ministre Netanyahou : des maisons, des écoles, des mosquées, des universités, des lieux de travail et des infrastructures ont été réduits en poussière. Selon les Nations Unies (BCAH), six Israéliens sont morts et 219 ont été blessés par les 1.456 roquettes tirées par le Hamas sur Israël. Malgré les lourdes pertes civiles palestiniennes, en particulier des enfants, Netanyahou, qui adore se battre, a déclaré (reportage de la BBC du 15/11/2012) : « Israël fera 'tout ce qui est en son pouvoir' pour éviter les pertes civiles dans ce conflit avec le Hamas ».

Avec la quatrième armée la plus puissante du monde, largement grâce à l'industrie de l'armement nord-américaine, Israël a le « monopole de la force dans la région » ; tirer des roquettes, même si celles-ci sont des pétards comparées à l'arsenal israélien sophistiqué, sur des zones densément peuplées de ce pays, provoquera inévitablement une réaction excessive de la part des forces armées israéliennes. La brute répond toujours par une force écrasante, d'abord parce qu'elle dispose généralement de celle-ci et deuxièmement parce que cela la démange de l'utiliser. Human Rights Watch (HRW) proclame qu'il « n'y a aucune justification pour les groupes armés palestiniens de lancer illégalement des roquettes contre les centres de population israéliens ». Confortablement calé dans cette position moraliste, il est facile de prononcer ce genre de platitude, que la violence n'est jamais justifiée. Mais vivre dans ce que Noam Chomsky décrit comme « une prison en plein air »[1], où l'intimidation et l'abus sont une affaire quotidienne, la manipulation et le contrôle la norme, où votre dignité a été volée et votre liberté déniée, où l'espoir est constamment écrasé et reste librement inspiré et politiquement passif, une telle provocation entraînera (naturellement) un cri exaspéré de frustration et de haine, réactions imposées par l'agresseur. Face à une telle injustice prolongée, il est étonnant que ces expressions de colère ne se produisent pas tout le temps.


Assassinat et trêve

Israël a mené des « assassinats ciblés » pendant des années, et avec les Etats-Unis qui ont légitimé ces assassinats extrajudiciaires, il n'y a rien pour stopper le Mossad ou l'Armée de l'Air israélienne (AAI) de tuer qui ils veulent et quand ils le veulent. Après tout, Israël est le champion de la démocratie dans une région assiégée par des dictatures instables ! Le dernier assassinat par l'AAI du commandant et négociateur du Hamas, Ahmed Jabari, le 17 novembre dernier, a, selon la déclaration faite au quotidien par le militant israélien pour la paix Gershon Baskin, « tué la possibilité de parvenir à une trêve, ainsi que la capacité de fonctionner des médiateurs égyptiens ». Cette « attaque ciblée » a également tué (cf. le rapport de HRW du 15/11/2012), « au moins cinq civils [.] (et) blessé au moins 115 personnes, dont 26 enfants et 25 femmes ». Un carnage collatéral qui contredit précisément l'affirmation de Netanyahou sur la précision millimétrique de l'AAI.

Une telle action à un tel moment était la garantie d'inciter la riposte nécessairement enflammée du Hamas. HRW cite un porte-parole qui aurait dit : « Israël paiera un lourd tribut », indiquant une intention de reprendre les attaques à la roquette, suspendues par les propositions de trêve Baskin. Haaretz a rapporté que 85 roquettes ont atterri en Israël le jour de cet assassinat, permettant à Israël de lâcher ses chiens de guerre, toujours prêts, armés et extrêmement dangereux, n'attendant qu'un prétexte, avec une anticipation violente, pour riposter avec leur force excessive coutumière.


Tirer sur les civils comme dans un tonneau

Les enfants palestiniens continuent d'être les cibles israéliennes préférées ; selon If Americans Knew (IAK) [Si les Américains savaient], « 1.477 enfants ont été tués » depuis le début de ce nouveau millénaire. Ils représentent jusqu'à 45% de la population de Gaza, une démographie qui terrifie un Israël vieillissant, et ce fut effectivement un enfant, Abou Daqqa, âgé de 13 ans, qui jouait au football près de chez lui à Abasan al-Kabira, qui fut le premier Palestinien à mourir, le premier des 37 enfants qui ont été pris à leurs familles dans cette dernière folie meurtrière israélienne. Les civils de Gaza, effrayés et pris au piège, sont des proies faciles pour les forces israéliennes, et comme Normal Finkelstein l'a formulé sur RT (16/11/2012), c'est comme « tirer sur des poissons dans un tonneau ». IAK rapporte que dans le massacre de l' « Opération Plomb Fondu » de 2008-2009, la dernière sortie des militaires israéliens à Gaza, 1.417 habitants Gazaouis ont été tués, parmi eux, B'Tselem a calculé qu'il y avait 318 mineurs.

Comme l'on peut s'y attendre, nombre des enfants ayant survécu sont traumatisés. Le programme de santé de la communauté de Gaza estime que « la moitié des enfants de Gaza - environ 350.000 - développeront une forme ou une autre de trouble émotionnel post-traumatique ». Les dernières attaques contre des civils innocents serviront à intensifier la souffrance mentale et l'angoisse de ces enfants. L'un des auteurs du rapport onusien Goldstone, le Colonel Desmond Travers, a cité un psychiatre à Gaza qui a dit : « les enfants exposés à autant de violence n'ont d'autre option que de mettre fin à leur enfance et de passer à un contexte différent, (et) la plus grande probabilité est qu'ils ne se stabiliseront jamais ». Leur enfance perdue, ils se radicalisent, haïssant ceux qui ont tué leurs parents, leurs frères, leurs sœurs et leurs amis. Haine et ressentiments qui comblent les intentions de l'agresseur ; un ennemi est après tout essentiel dans l'esprit de l'oppresseur, permettant une justification perverse de la violence continue et de la souffrance appliquée.


Cause et destruction

La dernière série de tueries et de pagaille n'est que la dernière d'une longue série d'actes violents perpétrés par Israël. Les perspectives et la responsabilité de circonstance ont tendance, notamment intentionnellement, à être déformées à moins d'être vues dans un contexte large, une nécessité rationnelle de compréhension qu'Israël et ses supporters ont toujours du mal à contredire. Les politiques d'Israël, minutieusement planifiées et liées entre elles, que HRW expose dans son rapport « Séparés et inégaux : Le traitement discriminatoire des Palestiniens par Israël dans les territoires palestiniens occupés »[2], « n'ont aucune justification sécuritaire concevable », perpétuent la souffrance et génèrent le conflit, à dessein : l'occupation illégale de la Cisjordanie, le siège de la Bande de Gaza, la construction étendue de colonies, la séquestration de Palestiniens, hommes, femmes et enfants, l'usage illégal de la règle draconienne de « détention administrative », la démolition de maisons palestiniennes, la torture de Palestiniens durant leur détention en Israël, y compris des enfants, le refus de délivrer des permis de travail, le blocage de l'aide humanitaire vers Gaza, etc., etc. La liste est longue, sans fin, se multipliant avec des actions qui transgressent toutes sortes de lois internationales et d'innombrables résolutions des Nations Unies, des violations qui s'élèvent individuellement et collectivement à rien de moins que de la criminalité d'Etat. Ou pour donner son terme technique, conformément à la définition militaire étasunienne qui fait foi - du terrorisme. Et cela, faut-il ajouter et ne jamais oublier, avec le soutien tacite des Etats-Unis qui financent toute cette entreprise illégale. If America Knew (IAK) a enregistré que « durant l'année fiscale de 2011, les Etats-Unis ont fourni à Israël au moins 8,2 millions de dollars par jour ».

Les positions politiques motivées par l'idéologie et la couverture médiatique lâche, qui font la promotion de l'argument absurde selon lequel les bombardiers israéliens pacifiques ne font que réagir, à contre-cœur, à la cause de cette crise - récente ou historique - c'est-à-dire à la terreur palestinienne et du Hamas, qui soutient et justifie la violence continuelle israélienne, qui fait obstacle à la paix et ne sert ni la population israélienne ni le peuple palestinien. Israël est dépeinte comme la victime qui a été une fois encore persécutée, simplement pour vouloir un foyer pour son peuple qui souffre depuis longtemps. Une telle propagande perverse omet une montagne de faits, par exemple, comme IAK l'expose, « dans chaque cycle de violence, des Palestiniens sont d'abord tués et en bien plus grand nombre », et cela perpétue l'injustice et la souffrance, provoquant le ressentiment et la colère, toujours latents.


Gaza meurt d'envie de respirer

La fermeture très restrictive de la frontière par Israël, imposée après que le Hamas fut démocratiquement élu, en 2006, pour diriger cette enclave, a, selon le profil dressé par la CIA, provoqué « le quasi-effondrement du secteur privé qui dépendait des exportations. La population est dépendante de l'aide humanitaire à grande-échelle conduite par les agences de l'ONU ». Les moyens de subsistance ont été détruits, le chômage est monté en flèche pour dépasser les 40%, avec une proportion similaire de la population qui vit en dessous du seuil de pauvreté. Les 1,65 millions d'habitants de Gaza, qui vivent dans cette minuscule bande de terre de 320 km2, se voient, selon le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), « refuser l'exerce des droits de l'homme fondamentaux, liés à l'accès à l'eau potable et saine, aux installations sanitaires, au logement, à la santé, [et] à l'éducation ». Les gens sont complètement isolés et pris au piège. Israël refuse à Gaza un port opérationnel, le contrôle de son espace aérien et la liberté de mouvement, tant à l'étranger qu'en Cisjordanie ou de l'autre côté de la frontière en Israël. B'Tselem rapporte que « l'entrée des habitants de la Bande de Gaza en Israël pour des visites familiales ou pour permettre à des époux de vivre ensemble est interdite ». La Cisjordanie plus Gaza sont considérés comme un seul territoire selon les Accords d'Oslo de 1993, et en tant que tel, on imaginerait que les mouvements vers l'une ou l'autre de ces régions seraient non limités, et toutes les ressources, en particulier l'eau, seraient partagées. Cependant, ainsi que B'Tselem l'expose, l'accord intérimaire stipule que « les habitants de la Bande de Gaza [.] ne sont pas autorisés à obtenir de l'eau en provenance de Cisjordanie ».

Israël étouffe Gaza, en détruisant son économie et, lorsque l'envie lui prend, ses infrastructures et sa société. B'Tselem : « l'importation et l'exportation de marchandises sont limitées et fréquemment entièrement stoppées. En outre, seul un petit nombre de Gazaouis ont été autorisés à travailler en Israël, et des dizaines de milliers de Gazaouis ont perdu leur source de revenus ». Il faut noter que le PIB par habitant (2011) de la Bande de Gaza et de la Cisjordanie était de 2.900 dollars, à comparer avec les 31.500 dollars de leurs voisins israéliens. L'espace maritime qui entoure Gaza est également contrôlé par Israël, à l'exception d'un rayon de 3 miles natiques, une réduction par rapport aux 20 miles natiques fixés par les Accords d'Oslo, empêchant par-là la pêche et l'amarrage du trafic maritime international. L'injustice et l'intimidation sont l'ombre dans laquelle vivent les habitants de la Bande de Gaza. Le temps est largement venu que leurs droits humains soient respectés et que la loi internationale soit honorée, ce qui permettrait aux hommes, aux femmes et aux enfants actuellement persécutés de vivre décemment et dans la dignité.


Implorer la justice et attendre désespérément la paix

La paix, priorité numéro un pour l'humanité, est un objectif universel qui n'est apparemment pas partagé par les dirigeants israéliens, et certainement pas en ce qui concerne les Palestiniens. Ce mot a été perverti pour justifier les positions d'hostilité d'Israël qui ne cherche pas à mettre la paix en application et qui n'œuvre pas à sa réalisation, peu importe le politiquement correct de la rhétorique politique. Ce mot n'a aucun sens lorsque les actions qui travaillent contre la paix se poursuivent comme elles le font. La paix est toutefois le mot du jour, l'objectif et le thème principal des jours à venir. Ce n'est pas une image sentimentale ou quelque vague notion de paix idéologiquement construite, confinée dans un costume étroit de conditions, mais un mouvement de vie éclatant qui cherche à tout prix à s'occuper des obstacles à sa réalisation et à les supprimer.

Le peuple de Palestine attend désespérément la paix et il ne fait aucun doute que les Israéliens les plus décents partagent ce désir. Y a-t-il la volonté parmi les politiciens dont dépendent les innocents, les alliés d'Israël ont-ils le courage de faire ce qui est juste pour ce peuple, respecter et appliquer la loi internationale, retirer le soutien diplomatique et arrêter de financer l'occupation ? Y a-t-il la volonté de dépasser les platitudes et d'agir, comme un homme sage l'a expliqué, « rien ne se produit de lui-même, l'homme doit agir et exécuter sa volonté » ? Que cela soit la volonté des gens pour la paix, pour mettre un terme à la mort et à la souffrance, pour la chance de vivre ensemble libérés de la peur. A cette fin, les parties doivent travailler maintenant. Qu'une atmosphère d'espoir soir créée, car assez de douleur et de souffrance ont ravagé le peuple Palestinien, assez de morts et de cœurs brisés, assez de colère et d'insécurité semées dans le peuple israélien par des dirigeants ambitieux et haineux.

Que cette « colonne de nuée » soit la tempête qui révèle un nouveau jour de paix et d'harmonie, basé sur la partage et la justice. Le choix, dans cette région et, plus largement, pour l'humanité, est clair et net : partager et sauver le monde ou continuer en direction de la séparation, de la division et de la violence. Le partage offre la possibilité d'installer la justice sur ce qui était vraiment autrefois une Terre Sainte, permettant à la confiance de se construire lentement et à la paix de germer doucement et de fleurir.

Graham Peebles est administrateur de Create Trust.

Traduit de l'anglais par [JFG-QuestionsCritiques]

Notes :
_________________________

[1] Impressions of Gaza, par Noam Chomsky, chomsky.info, 4 novembre 2012.
[2] Israël/Cisjordanie : Deux populations séparées et inégales, Human Rights Watch, le 10 décembre 2010.

NOUS RECOMMANDONS ÉGALEMENT LA LECTURE DE :
"Le Conflit Israélo-Palestinien", par Jean-François Goulon (Le Retour aux Sources, 2012). Compilation de textes écrits par les plus grands auteurs juifs (et quelques autres) ayant traité ce sujet et qui retracent l'histoire de ce conflit, depuis les origines cananéennes de la Palestine à sa demande d'adhésion à l'ONU.


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