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La crise qui se profile

L'envie d'atomiser l'Iran
démange-t-elle l'Administration Bush?

Par Paul Craig Roberts

CounterPunch, 25 septembre2006
article original : "Is the Bush Administration Itching to Nuke Iran?"

Un grand nombre d'experts ont conclu qu'en dépit du désir de l'administration Bush d'attaquer l'Iran, cette agression serait trop irraisonnable et les conséquences trop graves, même pour un gouvernement aussi irrationnel que celui de Bush.

Les experts militaires indiquent qu'à un moment où les généraux réclament plus de soldats en Afghanistan et en Irak, il serait malavisé pour Bush d'ajouter l'Iran comme théâtre de guerre. Les experts notent que l'Iran est très bien armé, avec des missiles capables d'attaquer les installations pétrolières et les navires étasuniens dans tout le Proche-Orient, qu'il peut ordonner à ses alliés chiites en Irak d'attaquer les troupes US et qu'il peut mettre oeuvres des actions terroristes dans le Proche-Orient.

Les experts en diplomatie indiquent que les Etats-Unis sont isolés dans leur désir de guerre contre l'Iran et qu'ils n'ont aucun allié, à part Israël, validant ainsi l'affirmation des Musulmans, selon laquelle les Etats-Unis sont l'instrument d'Israël contre les Musulmans au Moyen-Orient. Les experts font remarquer que l'agression militaire est un crime de guerre et que les violations de la loi internationale par les Etats-Unis isolent les Etats-Unis et détruisent le pouvoir apaisant sur lequel le leadership étasunien était basé. Une attaque contre l'Iran pourrait être la goutte faisant déborder le vase, pour les Musulmans qui rongent leur frein sous la domination des gouvernements fantoches d'Egypte, du Pakistan, de Jordanie et d'Arabie Saoudite.

Les experts économiques indiquent que l'impact sur le prix du pétrole serait sévère et que les conséquences économiques seraient nuisibles. Avec la bulle américaine de l'immobilier qui se dégonfle, le temps n'est pas venu pour un choc pétrolier.

Il est difficile de trouver des exceptions à ces analyses d'experts. Néanmoins, l'administration Bush continue d'envoyer des signaux de guerre. Des organes d'information crédibles ont rapporté que les groupes étasuniens d'attaque navale ont reçu "des ordres pour se préparer à se déployer", ce qui les placerait en stationnement au large de l'Iran d'ici le 21 octobre.

Comment les plans de guerre de l'administration Bush peuvent se concilier l'opinion des experts, selon laquelle les conséquences seraient trop terribles pour les Etats-Unis ?

Peut-être que la réponse est que ce qui semble irrationnel aux experts est rationnel pour les néoconservateurs. Les néocons recherchent un maximum de chaos et d'instabilité au Proche-Orient afin de justifier une occupation à long terme de la région par les Etats-Unis. Suivant cette ligne de pensée, les néocons considéreraient la perte d'un avion d'une compagnie aérienne dans le Golfe Persique comme un moyen de solidifier le soutien public à la guerre. Aux Etats-Unis, la colère publique à l'égard des Iraniens pourrait même avoir pour conséquence le soutien public des Américains pour une conscription militaire afin de gagner "la guerre contre la terreur".

L'administration Bush pourrait faire rentrer le Congrès dans le rang en annonçant un incident du style "Golfe du Tonkin" ou en orchestrant une "attaque terroriste". Cependant, ceci n'est pas nécessaire puisque Bush a préparé le terrain pour passer outre le Congrès avec ses allégations propagandistes, selon lesquelles l'Iran, en armant les insurgés irakiens, en finançant le terrorisme et en construisant des armes nucléaires, est la partie la plus importante de la "guerre contre le terrorisme" en cours. À présent que l'Iran est accusé de faire monter la violence en Irak, une attaque contre l'Iran suivra systématiquement. Tout ce que Bush a à faire est de continuer avec ses mensonges afin d'amener le public américain à une nouvelle hystérie guerrière.

Le ministre de la justice de Bush a démontré qu'il n'a aucun scrupule pour valider tous pouvoirs extralégaux dont la Maison-Blanche a besoin pour violer la Constitution des Etats-Unis et la loi internationale. Le Sénat a refusé d'autoriser la torture, mais le Sénat n'a pas empêché l'administration de torturer des détenus. Ce compromis laisse à la Maison-Blanche le soin de décider si ses pratiques interrogatoires sont opposables. Dans un édito (22 septembre 2006), le Washington Post concluait que "l'abus peut se poursuivre".

Les sondages montrent que la propagande de l'administration Bush a convaincu une majorité d'Américains inattentifs que l'Iran fabrique des armes nucléaires. Les sondages montrent qu'une majorité soutient une attaque contre l'Iran dans cette circonstance. Les néoconservateurs et leurs alliés des médias ont réussi à faire en sorte que le public confonde le programme légal d'énergie nucléaire de l'Iran avec le programme d'armement.

L'Agence Internationale à l'Energie Atomique, dont les inspecteurs investissent le programme d'énergie nucléaire iranien pour chercher tous signes d'un programme d'armement, a dernièrement dénoncé un Rapport de la Commission des Services de Renseignements de la Chambre comme étant "scandaleux et malhonnête".[1] Ecrit par le staff néocon Républicain, ce rapport Républicain soutient fallacieusement que l'Iran, en avril dernier, a enrichi de l'uranium à un niveau de qualité suffisante pour fabriquer des armes et que l'AIEA a supprimé un chef-inspecteur de vérification pour maintenir secrète cette prétendue violation du Pacte de Non-Prolifération.

Une fois encore, les néoconservateurs ont montré qu'ils sont prêts à raconter n'importe quel mensonge pour atteindre leur objectif consistant à attaquer l'Iran. Les supporteurs chauvins anti-Onu de Bush croiront automatiquement les mensonges des néocons et avaleront les affirmations de la droite dans les émissions radiophoniques, selon lesquelles l'Onu protège le programme nucléaire de l'Iran. Ainsi que nous l'avons appris de l'hystérie relative à l'Irak, les faits et les experts ne constituent pas une entrave aux mensonges de l'administration Bush.

Le Pentagone néocon de Rumsfeld a réécrit la doctrine de guerre étasunienne pour permettre une attaque nucléaire préventive sur des pays non-nucléaires. Tandis que les Etats-Unis ont payé un tribut gigantesque en relations publiques en terme d'opinion mondiale et de méfiance à l'égard des Etats-Unis, en soutenant la première utilisation d'armes nucléaires, la révision de la doctrine de guerre des Etats-Unis doit avoir une raison.

Les néocons prétendent que les armes nucléaires tactiques sont nécessaires pour détruire les installations souterraines de l'Iran. Toutefois, la vraie raison pour utiliser des bombes nucléaires contre l'Iran est d'intimider l'Iran pour qu'il ne riposte pas et de menacer l'ensemble du monde musulman de génocide à moins que les Musulmans ne plient à la volonté des néocons et acceptent l'hégémonie des Etats-Unis sur leur partie du monde.

Dans son discours aux Nations-Unies, Hugo Chavez[2] pourrait ne pas être allé trop loin dans son hyperbole lorsqu'il a dépeint Bush comme un diable démoniaque.

Paul Craig Roberts fut Secrétaire-adjoint au Trésor dans l'administration Reagan. Il a été résacteur en chef associé de la page éditoriale du Wall Street Journal et rédacteur en chef collaborateur de National Review. Il est aussi le co-auteur de " The Tyranny of Good Intentions" [La Tyrannie des Bonnes Intentions].

Traduit de l'anglais (États-Unis) par Jean-François Goulon

Notes :

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[1] Lire : L'ONU attaque le rapport des Etats-Unis sur le nucléaire iranien, par David Fickling, The Guardian, le 14 septembre 2006

[2] Lire le Discours de Chavez, ONU, 20 septembre 2006