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processus de paix

L’Europe entame des discussions secrètes avec un Hamas « mis à l’index »

Par Anne Penketh, rédactrice en chef - Diplomatie
The Independent, Jeudi 19 février 2009

article original : "Europe opens covert talks with ‘blacklisted’ Hamas "

Les nations européennes ont ouvert un dialogue direct avec le Hamas, alors que les
Etats-Unis de Barack Obama intensifient la recherche de la paix au Moyen-Orient



Des militants du Hamas à l’entraînement près de la bande de Gaza (Reuters)

The Independent a appris que deux sénateurs français se sont rendus à Damas, il y a deux semaines, dans la première rencontre de ce type, pour rencontrer le dirigeant de la faction islamiste palestinienne, Khaled Meshal. Deux députés britanniques ont rencontré à Beyrouth, il y a trois semaines, le représentant du Hamas au Liban, Oussama Hamdan. « Beaucoup plus de gens que l’on imagine parlent au Hamas », a dit un haut diplomate européen. « C’est le début de quelque chose de neuf – même si nous ne sommes pas en train de négocier. »

M. Hamdan a dit hier que, depuis la fin de l’année dernière, des députés suédois, néerlandais et de trois autres nations ouest-européennes, qu’il a refusé de nommer, avaient consulté des représentants du Hamas.

« Ils pensent qu’ils ont commis une erreur en plaçant le Hamas sur la liste noire », a-t-il dit, se référant à la décision de l’UE en 2003 d’ajouter l’aile politique de ce mouvement à sa liste des organisations terroristes. « A présent, ils savent qu’ils doivent parler au Hamas. »

Les contacts politiques avec le Hamas sont interdits en vertu des règles du Quartet international pour la paix au Moyen-Orient – qui regroupe les Etats-Unis, l’UE, la Russie et l’ONU – sur la base que cette faction palestinienne reste engagée à la destruction d’Israël. La communauté internationale insiste sur le fait que cette interdiction ne sera levée qu’après que les Islamistes accepteront de reconnaître Israël et de renoncer à la violence. Mais la politique définie en 2006 à la suite de la victoire du Hamas dans les élections palestiniennes a été remise en question depuis la guerre de trois semaines à Gaza, qui se trouve sous le contrôle du Hamas.

Les diplomates insistent pour dire que les contacts des parlementaires avec le Hamas sont une initiative personnelle, bien que l’on pense qu’ils ont fait leur rapport à leurs gouvernements. Les députés britanniques qui se sont rendus à Beyrouth « n’étaient pas engagés dans des pourparlers diplomatiques officiels ou officieux », a déclaré un porte-parole du Foreign Office.

L’Union Européenne soutient les efforts dont l’Egypte est la médiatrice en vue de la réconciliation entre le Hamas et le Fatah rival, qui fait partie d’un accord de cessez-le-feu entre le Hamas et Israël. L’unité palestinienne est encouragée en tant que condition préalable à une solution à deux Etats.

Mais, selon une source bien au courant de ces pourparlers, M. Meshal a dit aux sénateurs français que l’unité palestinienne était « la question la plus difficile ». « Meshal a dit que l’Autorité Palestinienne [conduite par le Président Mahmoud Abbas du Fatah] ne représentait plus rien », a déclaré cette source. Le Hamas est « convaincu que la rue arabe est avec eux ».

Le principal soutien du Hamas, la Syrie, déborde de confiance après que la guerre de trois semaines a échoué à asséner le coup de grâce à ses alliés à Gaza. Le gouvernement syrien pressent une opportunité, sous M. Obama, pour mettre fin à l’isolement imposé par la présidence de Bush.

Le Président syrien, Bashir al-Assad, a accordé plusieurs interviews aux médias occidentaux ces dernières semaines, dans lesquelles il a exprimé son espoir de meilleures relations avec les Etats-Unis[1]. John Kerry, le président de la Commission des affaires étrangères du Sénat américain, qui a pris fait et cause pour le retour d’un ambassadeur américain en Syrie, est attendu à Damas le week-end prochain.

L’ambassadeur syrien à Londres, Sami Khiyami, a déclaré : « Nous espérons un nouvel ambassadeur. Cela ne prendra pas longtemps. L’Amérique, comme l’Europe, comprend que la voie pour obtenir une influence politique au Moyen-Orient passe par la Syrie. »

Mais les analystes sur le Moyen-Orient minimisent les espoirs que l’UE – ou la politique étasunienne – en ce qui concerne le Hamas soit sur le point de changer. Il reste deux incertitudes majeures : l’approche de l’administration Obama et les contours du futur gouvernement israélien qui pourrait être dirigé par le partisan de la ligne dure, Benjamin Netanyahou.

Martin Indyk, ancien ambassadeur US auprès d’Israël, a déclaré que M. Obama ferait une « énorme erreur » s’il décidait d’ouvrir des pourparlers directs avec le Hamas. Une telle mesure « saperait la direction palestinienne qui veut faire la paix avec Israël ».

Il a dit que des progrès avaient été faits dans des pourparlers de paix indirects entre Israël et la Syrie et que M. Netanyahou pourrait très bien décider de s’embarquer dans une voie qui est « quelque peu plus avancée ». Mais, jusqu’à présent, « les Syriens ne sont pas prêts à donner leur accord », puisqu’ils se retrouveraient sous pression de rompre avec leurs alliés stratégiques, le Hamas, le Hezbollah et l’Iran, a-t-il ajouté.

M. Khiyami a dit que les Israéliens devraient choisir entre des négociations ou une future confrontation. « S’ils choisissent la première option, ils trouveront des gens prêts à négocier sous l’égide de l’initiative arabe. S’ils choisissent la deuxième, nous ne serons plus responsables de toute violence qui pourrait se produire au Moyen-Orient. »

Traduction [JFG-QuestionsCritiques]

Note :
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[1] Lire "L’interview exclusive de Bashir al-Assad", The Guardian, 17 février 2009.