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Assemblée Générale de l'ONU

Musharraf: Les USA ont menacé de bombarder le Pakistan

Par David Usborne à New York

publié dans The Independent, le 22 septembre 2006
article original : "Musharraf: US threatened to bomb Pakistan''

Le président du Pakistan, le Général Pervez Musharraf, révèle dans une interview qui doit être diffusée ce week-end que, peu après les attaques terroristes du 11 septembre 2001, les Etats-Unis ont menacé de bombarder son pays et "de le renvoyer à l'Âge de Pierre" s'il n'offrait pas sa coopération pour combattre le terrorisme et les Taliban.

Cette révélation a été faite par le Général Musharraf durant sa visite à New York pour l'Assemblée Générale des Nations-Unies Elle arrive après une semaine où les Etats-Unis ont été critiqués par un grand nombre de dirigeants étrangers pour avoir essayé d'imposer leur volonté sur les autres nations.

Parlant à un correspondant du magazine d'information "60 Minutes" de la chaîne CBS, qui doit être diffusé dimanche soir, le Général Musharraf prétend que cette mise en garde a été faite à son propre directeur des services secrets par le Secrétaire d'Etat adjoint, Richard Armitage. "Le directeur des services secrets m'a dit que [Armitage] avait dit : 'Tenez-vous prêts à être bombardés. Tenez-vous prêts à retourner à l'Âge de Pierre'," a déclaré le Général Musharraf, selon des extraits de cette interview, diffusés la nuit dernière par CBS.

Cette semaine, le Président George Bush a été malmené à l'Onu, notamment par le Président Hugo Chavez du Venezuela, qui l'a appelé crûment le "diable", et par le Président de l'Iran, Mahmoud Ahmadinejad.

Peu après le 11/9, le Pakistan a en effet mis fin à son soutien aux Taliban et est devenu un allié, en première ligne, de l'Amérique dans la "guerre contre le terrorisme". Cependant, le Général Musharraf ne cache aucunement son dégoût des tactiques de bras de fer de M. Armitage. "Je pense que c'est une remarque très brutale", dit-il dans l'interview. "On doit penser et agir dans les intérêts de sa propre nation et c'est ce que j'ai fait".

Pendant ce temps, lors d'une conférence de presse, M. Ahmadinejad a modéré, hier, les invectives répétées qu'il a lancé contre les Etats-Unis, mais aussi contre la Grande-Bretagne, en suggérant que les contacts entre son gouvernement et les responsables européens pour résoudre leur différent nucléaire "allaient dans la bonne direction".

Même ainsi, M. Ahmadinejad n'a pas pu résister, une fois de plus, à l'occasion d'accabler des pays qui, a-t-il déclaré, "pensent qu'ils ont plus de droits que tous les autres de diriger les affaires de la planète". Sa réussite à se placer sous les projecteurs des médias à New York - à l'Assemblée Générale, dans des interviews télé et lors d'une réunion du CFR (le Council on Foreign Relations), mercredi - a clairement hérissé le poil des officiels américains.

Le Président iranien a réitéré hier son refus de dire si l'Iran respecterait une résolution de l'Onu interdisant la livraison d'armes aux combattants du Hezbollah au Sud-Liban. Il n'était pas prêt non plus à retirer la remarque qui lui a été attribuée en début d'année, selon laquelle Israël devrait être "rayé de la carte". Esquivant cette question, voici ce qu'il a dit : "Je ne suis pas contre les Juifs. Je respecte tous les Juifs."

À plusieurs reprises, il a adopté une fuite rhétorique sur les questions concernant l'affirmation par les Occidentaux que l'Iran enrichit l'uranium dans l'intention de développer une bombe nucléaire. Il a demandé pourquoi les Etats-Unis ne détruisaient pas leur arsenal et il a déclaré que cette question était un "prétexte" utilisé par Washington pour entraver l'Iran. "Ce n'est pas la bombe qui les intéresse, ils veulent empêcher le développement de notre pays", a-t-il déclaré.

Fait révélateur, Ahmadinejad n'a toutefois pas cherché à saper les négociations elles-mêmes. Un officiel européen a déclaré que les pourparlers entre le commissaire européen aux affaires étrangères, Javier Solana, et son homologue iranien, Ali Larijani, qui devaient se dérouler à New York, étaient à présent attendus pour la semaine prochaine. Ces contacts ont pour intention de persuader gentiment l'Iran de s'engager dans des pourparlers sur le long-terme à la condition qu'il accepte de suspendre d'abord ses activités d'enrichissement.

"Nous vous dirons lorsque le temps sera venu" pour que l'Iran statue sur une telle suspension, a déclaré M. Ahmadinejad, suggérant qu'il ne s'interdit pas de remplir cette condition. Tandis que l'UE et les Etats-Unis insistent publiquement sur le fait qu'aucuns pourparlers officiels ne commenceront avant cette suspension, il y a des signes de flexibilité sur le timing, en particulier de Paris. M. Ahmadinejad a dit que le succès de tout pourparler sur le long-terme dépendrait de la capacité des nations occidentales à offrir certaines garanties à Téhéran. Il a déclaré qu'il recherchait des "garanties sur l'application des clauses qui ont été acceptées".

© 2006 Independent News and Media Limited / Traduction [JFG-QuestionsCritiques]
Note :

[1] Voir "L'Horrible John Bolton", par Jean-François Goulon.