présidentielle 2012
Strauss-Kahn : une saga familiale française qui pourrait se retrouver dans les tribunaux américains
Par John Lichfield à Paris
article original : "Strauss-Kahn: A French family saga that could end up in the US courts"
The Independent, dimanche 24 juillet 2011Le dernier coup de théâtre dans l'affaire Dominique Strauss-Kahn aura
également un impact sur les élections présidentielles de l'année prochaine
Imaginez un feuilleton télé français dont le titre pourrait être, disons, « Sexe, Mensonges et Pouvoir ». Voici le résumé pour les nouveaux téléspectateurs qui attrapent cette histoire en cours de route.
Tristane accuse l'ex-mari de sa marraine d'avoir tenté de la violer. L'accusé, Dominique, ancien ministre des finances de la France, ancien patron du FMI et ancien favori à l'élection présidentielle, poursuit à son tour Tristane en justice. Il l'accuse d'être une affabulatrice fragile cherchant à se faire de la publicité.
La mère de Tristane, Anne, est un ancien cadre dans la mode et une femme politique locale avec laquelle Tristane a toujours eu une relation distante et problématique. Maman, 65 ans, confirme le récit de sa fille. Mais Maman a aussi admis devant la police qu'elle a eu dans le passé une relation sexuelle violente avec Dominique dans son bureau de l'OCDE en 2000, bien qu'elle fût une amie proche de son ex-femme, Brigitte.
Brigitte, magistrat, nie être une amie d'Anne ; elle nie même être, au sens propre du terme, la marraine de Tristane. Elle poursuit Anne en justice, qui affirme avoir autrefois dépeint Dominique comme un danger pour les femmes.
Pendant ce temps, l'honnête et sympathique François, un ancien chef du Parti socialiste et nouveau favori à la présidentielle, a été interrogé par la police qui enquête sur les accusations de Tristane. Celle-ci dit avoir parlé à François (parmi d'autres personnes), à l'époque, en 2003, de cette présumée tentative de viol, et que celui-ci l'a soutenue fortement et lui a conseillé d'aller voir la police.
François dit qu'il ne connaissait que vaguement ces accusations portées contre son collègue politique et qu'il ne se souvient pas avoir parlé à Tristane. Lui aussi menace de poursuites judiciaires. Il accuse des forces obscures proches de son possible futur rival électoral, le président actuel, Nicolas, de manipuler la presse, et peut-être la police, pour que son nom soit mentionné dans cette affaire.
Camille, la fille de Dominique et de Brigitte, a été également interrogée par la police. Tristane dit lui avoir relaté l'agression présumée par son père, peu après qu'elle se fut produite. Les deux femmes ne se sont parlées depuis. La mère de Camille dit qu'il est absurde de laisser entendre que les deux jeunes filles aient jamais été proches.
Voici en gros le Scandale Strauss-Kahn II, tel qu'il a été dévoilé en France ces dernières semaines. Comme si cela n'était pas assez byzantin, il apparaît maintenant que l'action de ce feuilleton français pourrait bientôt fusionner avec la saga américaine mieux connue, qui s'est jouée sur les écrans de télé depuis mai et dans laquelle Dominique est accusé de tentative de viol sur une femme de chambre africaine dans son hôtel de Manhattan. (Le prochain épisode se déroulera au tribunal le 1er août.)
Tristane - Tristane Banon, journaliste et romancière de 32 ans, frêle et faisant penser à un lutin - a désormais accepté le principe de fournir des preuves au procureur dans l'affaire américaine, le district attorney Cyrus Vance. Si les autorités judiciaires françaises l'acceptent, elle pourrait se rendre à New York prochainement pour répéter ce qu'elle dit lui être arrivé lorsqu'elle a essayé d'interviewer DSK, seule dans un appartement de la rive gauche de Paris, en février 2003.
Son avocat, David Koubbi, se trouvait à Manhattan en début de semaine dernière. Il est ressorti hier que celui-ci a non seulement parlé à M. Vance, mais qu'il a rencontré l'accusatrice de DSK aux Etats-Unis, la femme de chambre guinéenne, Nafissatou Diallo.
La saga française de DSK pourrait très bien ne pas conduire à une action judiciaire. Si les enquêteurs décident que les accusations de Melle Banon se résument à une agression sexuelle, et non pas une tentative de viol, ils prononceront immédiatement un non-lieu en vertu des règles de prescription en France. Les accusations d'agression sexuelle peuvent être rapportées jusqu'à trois ans après les faits ; 10 ans pour viol. Melle Banon dit que, sur les conseils de sa mère, elle avait décidé de ne pas rapporter ce crime présumé.
Cela pourrait prendre des mois avant qu'une décision ne soit prise. Le Palais de l'Elysée n'a certainement aucun intérêt à une issue rapide, tandis que cette saga éclipse la campagne des primaires socialistes. En attendant, selon des experts judiciaires américains, le témoignage de Melle Banon pourrait être utilisé, avec quelques difficultés, pour étayer l'accusation contre DSK aux Etats-Unis.
La saga Banon a révélé les contours incestueux de la vie dans les sommets de la politique française et des médias. Peu importe ce qui se produira ensuite, les Français « moyens » pourraient conclure que ceci est un monde dans lequel presque tout le monde a couché avec tout le monde et que les accusations de crime sexuel grave peuvent ne pas être déclarées pendant huit ans.
Il ne faut pas s'étonner si François Hollande et d'autres politiciens craignent l'impact maléfique que ce complot peu plausible de « Sexe, Mensonges et Pouvoir » aura sur les prochaines élections présidentielles françaises.Traduction [JFG-QuestionsCritiques]
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