Crise en Irak
Omar al-Shishani : le visage diabolique de la nouvelle terreur
Par Kim Sengupta
article original : "Iraq crisis: Umar al-Shishani - the face at the forefront of the new terror wears a chilling smile"
The Independent, le 17 juin 2014Tweeter
Cette photo qui circule sur les médias sociaux est celle d'un homme arborant une longue barbe rousse, vêtu d'une simple robe islamique et d'un bonnet de prière. Il sort d'un véhicule en souriant - un sourire qui vous glace d'effroi.
Il s'agit d'Omar al-Shishani, l'un des commandants les plus redoutés de l'EIIL, la milice sunnite qui a pris d'assaut tout un pan de l'Irak, propageant l'inquiétude dans toute la communauté internationale ; il essayait un Humvee fourni par les Américains, abandonné à Mossoul par les troupes en fuite du gouvernement et saisi par l'EIIL.
Shishani, d'origine tchétchène, est l'un des chefs parmi les combattants étrangers qui ont afflué pour rejoindre le Djihad contre le régime de Bachar el-Assad en Syrie. Ils constituent désormais les troupes de choc de l'insurrection qui se déroule de l'autre côté de la frontière. Après une période d'absence, les Islamistes étrangers (souvent fanatiques) qui ont joué un rôle important et sanglant dans la guerre sauvage qui a suivi l'invasion menée par les Etats-Unis, sont à nouveau de retour en Irak.
Certains de ces combattants étrangers avaient quitté l'Irak pour se battre sur d'autres fronts, d'autres furent exfiltrés discrètement d'Irak par le prédécesseur de l'EIIL, l'EII (l'Etat Islamique en Irak), alors que leur présence devenait de plus en plus impopulaire au sein de la communauté, un facteur qui aida les Etats-Unis à organiser les tribus du « Réveil sunnite » contre l'insurrection, aux côtés du « surge » militaire américain, la montée en puissance de l'armée américaine, sous le Général David Petraeus.
La seule chose qui a changé : le message du conseil de l'EIIL sur le « martyre » publié sur Internet établit la liste des 202 combattants étrangers tués en Irak. Ces morts venaient du Proche-Orient, d'Afrique du Nord, du Pakistan, de la Corne de l'Afrique, du Caucase, des Balkans, des Etats-Unis, du Canada et d'Europe de l'Ouest. Ce chiffre ne comprend pas encore ceux qui ont été tués cette année.
Jusqu'à cette dernière offensive, les morts britanniques musulmans étaient confinés à la Syrie ; les Djihadistes morts en Irak venaient de France, du Danemark, du Canada et de Norvège, huit en tout. Les autres morts comprennent 57 Tunisiens, 38 Saoudiens, 27 Marocains et 10 Libyens. La plupart des pertes l'ont été à Anbar, où l'EIIL a établi une base dans la ville de Falloujah, 56 morts, dans le nord de la Province de Bagdad, 51 morts, à Diyala, 41 morts, et à Ninive, 29 morts, ce dernier chiffre va augmenter avec la bataille de Mossoul.
Bien que l'on pense qu'ils ont joué un rôle clé pour dresser les plans opérationnels, c'est seulement durant l'actuelle poussée islamiste que les Tchétchènes ont rejoint en nombre l'expédition en Irak. Beaucoup d'entre eux, en compagnie de volontaires du Daghestan et de l'Ingouchie voisins, disposaient d'une expérience militaire précédente qui les a aidés à endosser les premiers rôles dans les missions de combat. On dit que Shishani est basé en Syrie, traversant la frontière poreuse lorsque c'est nécessaire, parce qu'il pense qu'il pourrait être une cible dans des frappes aériennes américaines, ou une cible des Iraniens sur ordre du Kremlin. Il aurait été abattu par un tireur embusqué peshmerga kurde près de Kirkouk, mais cette information n'a pas été vérifiée.
Les renseignements américains établissent le nombre total de combattants étrangers en Syrie aux alentours de 17.000 ; d'autres chiffres font état de 14.000 et 20.000 étranger qui ont rejoint les forces islamistes. La population locale, ai-je découvert au cours des visites que j'ai effectuées dans des parties du pays tenues par l'opposition, font une différence entre les caractéristiques des diverses nationalités - les Libyens sont considérés comme les plus amicaux, les Saoudiens comme les plus pieux, les Pakistanais comme les plus vindicatifs et les Tchétchènes comme les plus durs et les plus implacables.
Shishani, qui est né en Géorgie sous le nom de Tarkhan Batirasvili, m'a été désigné dans une ville des environs d'Alep, en automne dernier. A ce moment-là, il se réjouissait de l'approbation relative à la base militaire de Menagh, en Syrie, que l'ASL (l'Armée Syrienne Libre) cherchait à prendre, mais échoua à le faire pendant des mois. L'arrivée des Tchétchènes fut suivie par la prise d'assaut de cette base.
Shishani avait initialement formé son propre groupe, le Jaish al-Muhajireen wal-Ansar (JMA), composé d'environ 3.000 hommes armés issus du Caucase du Nord, de Crimée et d'Ukraine, ainsi que d'un petit groupe d'Arabes. Il a fait plus tard allégeance à Abou Bakr al-Baghdadi, le chef de l'EIIL, et fut nommé chef de l' « unité spéciale » du groupe, ainsi que commandant de la région nord.
La présence des combattants étrangers en Irak a toute les chances d'avoir un impact sur les relations entre l'EIIL et al-Qaïda, qui est déjà indisciplinée. Certaines des critiques les plus directes contre al-Qaïda sont venues des Tchétchènes ; critiques qui, à leur tour, ont conduit à des attaques verbales contre ces derniers de la part leurs camarades Djihadistes. Shishani a été l'objet de billets publiés sur Internet faisant remarquer qu'il était « terni » par une ascendance mélangée chrétienne et musulmane et qu'il avait également servi dans l'armée géorgienne où il avait été formé par les Américains. Aucune preuve n'a été produite quant à cette dernière affirmation.
Shishani insiste sur le fait que sa motivation est la haine qu'il éprouve à l'égard de la Russie, d'où son désir de combattre son allié, le Président Assad. Mais, dans un entretien avec un site Internet djihadiste, il a également dépeint les Etats-Unis d'Amérique comme les « ennemis d'Allah et les ennemis de l'Islam » qui doivent être affrontés.
Les Etats qui entourent la Syrie et au-delà ont cherché à influencer et à manipuler les volontaires étrangers des deux camps de la guerre civile. Mais, alors que ce conflit s'est étendu au-delà des frontières, ceux qui les contrôlent sont devenus plus fragiles. La brigade internationale des Djihadistes est désormais une force importante, leur pouvoir de destruction s'ajoutant à la turbulence de la région et aux signes inquiétant de certains, en particulier ceux de l'Ouest, qui importent la guerre chez eux.Traduction [JFG-QuestionsCritiques].
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