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Tout ce que veulent Israël et ses alliés occidentaux est briser l'Iran - via la Syrie

Par Robert Fisk

The Independent, le 13 août 2012,
article original : In the end, all Israel and her Western allies want to do is to break Iran - via Syria

Une soi-disant vidéo montrerait Samaha déchargeant
des explosifs d'une voiture dans un parking souterrain


En seulement sept minutes, Michel Samaha a fait suspendre l'interdiction de mon livre qui se trouvait sur la liste noire du Liban. Même Rafiq Hariri, lorsqu'il était Premier ministre, ne put obtenir que Pity The Nation [Liban, nation martyre] soit en vente dans les librairies. « Il y a une phrase à propos d'un char syrien qui garde un champ de haschich dans la Vallée de la Bekaa », m'avait-il dit. « Ce n'est pas le bon moment pour moi de m'en occuper. »

Mais dès que Samaha fut nommé Ministre de l'Information de Harari dans les années 90, il a appelé son pote général de brigade, Jamil Sayyed, le chef infiniment prosyrien de la Sûreté Générale libanaise, et Sayyed, d'une simple signature, fit suspendre l'interdiction visant mon histoire de la guerre civile libanaise. Sayyed, devrais-je ajouter, est plutôt un personnage sinistre qui ressemble au type dans les film muets, qui ligote des femmes aux rails d'un chemin de fer. L'universitaire et journaliste Samir Kassir, qui n'est pas un ami du régime d'Assad, avait affirmé que Sayyed l'avait menacé. Peu après, Kassir fut assassiné par une voiture piégée. L'ONU pensait également que Sayyed était impliqué dans le meurtre de Hariri - le Président Bachar el-Assad, disait-on, était très, très en colère contre Hariri parce que ce dernier voulait libérer le Liban de l'étreinte affectueuse de la Syrie - mais ensuite, après quatre années d'emprisonnement sans procès, l'ONU a libéré Sayyed car le « témoin » sur lequel celle-ci avait fondé ses preuves s'est avéré avoir produit un faux témoignage. Et l'âne bâté onusien a admis, en privé bien sûr, qu'Assad n'était peut-être pas impliqué [dans l'assassinat de Hariri].

Michel Samaha est un chrétien orthodoxe grec, soutenant à l'origine le chrétien d'extrême-droite Ketaeb, mais il s'est converti façon « route de Damas » et a terminé comme ami et conseiller d'Assad. Il était également - Messieurs les théoriciens de la conspiration, notez bien cela ! - détenteur de la Légion d'Honneur, attribuée, disent-ils, pour avoir aidé les services secrets français. Mais le plus fort fut le coup de tonnerre, la semaine dernière, quand dix membres lourdement armés de la section du renseignement de la Sûreté Générale libanaise ont fait une descente dans la villa d'été du Caza du Metn [district du Mont-Liban], ont menotté l'ancien ministre et ancien député, et l'ont emmené pour être interrogé à Beyrouth. Très vite, une histoire est sortie dans la presse libanaise : Samaha avait été chargé par le général syrien Ali Mamlouk de faire exploser des bombes au nord du Liban pour provoquer une guerre civile entre Sunnites et Chiites, créant le désormais fameux « débordement » de bain de sang en Syrie que le monde prévoyait depuis longtemps - et a versé 150.000 euros pour organiser tout cette compétition de fusillades. Une vidéo montre prétendument Samaha déchargeant des explosifs d'une voiture dans un parking souterrain. Une autre est censée le représenter annonçant qu'Assad a approuvé toute cette affaire. Selon la presse, Samaha aurait tout reconnu.

Les éditoriaux libanais ont adopté un point de vue journalistique occidental, rappelant pompeusement aux lecteurs que Samaha doit être présumé innocent tant qu'il n'a pas été reconnu coupable, tout en mettant le paquet sur les accusations. L'une des rares journalistes à soulever des objections a été Scarlett Haddad de L'Orient Le Jour. Lorsque le Liban est inondé d'explosifs, d'armes à feu et de missiles, demande-t-elle, pourquoi la Syrie aurait-elle besoin d'importer des bombes au Liban ? Et pourquoi un personnage comme Samaha, qui a mis en garde contre tout conflit sectaire au nord du Liban, se prêterait-il à un tel complot ? Effectivement, pourquoi un homme avec autant de relations se retrouverait-il mêlé à cette affaire louche de trafic de bombes, une tâche normalement assignée aux voyous ou aux « va-nu-pieds » ? Un rapport selon lequel Assad aurait personnellement téléphoné au Président libanais, Michel Sleiman, lui demandant d'intervenir à été réfuté par ce dernier.

Cependant, parmi les pensées qui habitent la politique intime du Liban, il y en a d'autres. De nouvelles sanctions ont été infligées à une compagnie pétrolière syrienne. Des sanctions ont été prises contre le Hezbollah libanais, il y a deux jours. Madame Clinton tempête contre Assad mais ne fait rien. Leon Panetta, le Secrétaire US à la Défense bourré de clichés, a dit que la bataille d'Alep était « le coup dur » pour le régime d'Assad. Mais à l'heure actuelle, les révolutionnaires armés battent en retraite. En fin de compte, tout ça a à voir avec l'Iran, cible de la haine et des soupçons du Qatar, de l'Arabie Saoudite, de l'Amérique et d'Israël. Briser l'Iran - via la Syrie.

Alors, comment l'arrestation d'un intime d'Assad, Michel Samaha, s'insère-t-elle dans tout ça ? Juste un autre coup dur foireux ? Je l'ai appelé pendant six mois pour lui demander son évaluation de la crise syrienne. Une fois, il se trouvait à Damas et il m'a dit qu'il rappellerait le lendemain. Lorsqu'il était à Beyrouth il m'a dit qu'il rappellerait. Il ne l'a pas fait. Ensuite, sa femme m'a dit qu'il était à Paris. Je me suis souvenu de la Légion d'Honneur. A présent, nous attendons tous les vidéos.

Traduction [JFG-QuestionsCritiques]
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