accueil > archives > éditos


François Hollande et pourquoi les Allemands peuvent dormir tranquille

Par Ian Traynor
The Guardian, 9 mai 2012

article original : "François Hollande, and why the Germans can rest easy"

Tant pis pour les eurobonds : le nouveau président français semble être un homme
pragmatique qui se conformera aux règles budgétaires strictes de Berlin




Des activistes à Berlin qui réclament une taxe sur les transactions financières, portant des masques
de François Hollande et d'Angela Merkel. Photographie: John Macdougall / AFP / Getty Images

Moins d'une semaine après son investiture, François Hollande participera à son premier sommet européen, lors d'un dîner à Bruxelles.

Cet événement qui se déroulera le 23 mai, appelé par le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, est organisé spécialement pour jauger Hollande et lui laisser entendre qu'il a déjà eu un impact [sur l'Europe].

Hollande aura déjà rencontré une première fois Angela Merkel à Berlin, où ils auront pu s'opposer sur les politiques d'austérité et de croissance en Europe et recherché un compromis.

Tous deux sont des centristes pragmatiques, ce qui suggère mais ne garantit pas qu'ils soient prêts à conclure un accord. De Blair à Cameron, en passant par Obama et Mario Monti en Italie, il est difficile de trouver un dirigeant occidental qui n'est pas un centriste pragmatique. Mais des facteurs décisifs, les intérêts nationaux et des différences politiques aiguës demeurent.

Tandis que l'Europe se bat avec la situation difficile où elle se trouve, Hollande fait face à des accusations selon lesquelles il est un « dangereux » keynésien favorisant impôts et dépenses, pour inverser la rigueur budgétaire et monétariste des Allemands et les inciter à mutualiser la dette de la zone euro par l'émission d'eurobonds. Crise résolue.

Cependant, à en juger par ses collaborateurs, son programme et ses déclarations, Hollande n'est rien de tout cela.

Les Français voudraient bien des eurobonds, s'ils parviennent à les obtenir. Mais avec Berlin qui dit nein pour un avenir prévisible - mais sans les exclure, à terme - Paris n'insiste pas trop.

Michel Sapin, le collaborateur clé de François Hollande en matière d'économie et possible futur ministre des Finances, a dit à des diplomates allemands à Paris que les eurobonds n'étaient pas la réponse à la crise de l'euro, surtout si un pare-feu assez important était mis en place sous la forme d'un fonds de sauvetage de la zone euro.

« Sur les eurobonds, Sapin était manifestement sceptique », déclare un mémo envoyé à Berlin par l'ambassade d'Allemagne à Paris, que The Guardian s'est procuré.

Sapin a également écarté les programmes de dépense importante ; pour tenter de réformer l'économie française, Hollande opterait pour des mesures favorisant l'offre, du type de celles que Berlin prône quotidiennement.

« Il est absolument essentiel de générer de la croissance, mais cela ne peut se faire qu'au moyen de mesures favorisant l'offre et non plus par le biais de programmes de dépenses publiques », a déclaré l'équipe de Hollande aux diplomates allemands.

Hollande a dressé les contours de quatre domaines d'action dans son offensive pour redémarrer le moteur de la croissance en Europe : en accroissant le rôle de la Banque européenne d'investissement et en se servant du budget de l'UE pour tenter de combattre la récession, utilisant ces deux outils pour garantir de grands projets d'infrastructure à l'échelle européenne - numérique, technologies vertes, chemins de fer et autres - et de permettre au fonds de sauvetage permanent de la zone euro de fonctionner comme une banque afin qu'il puisse obtenir des fonds de la Banque centrale européenne.

Parmi ces quatre domaines d'action, seul le dernier est très controversé : les Allemands s'y opposent fermement. Sur les trois autres : la Commission européenne a développé des arguments similaires au cours des douze derniers mois, et un accord sur les obligations européennes pour financer des « projets », en utilisant la BEI ou des fonds structurels de l'UE ou les deux, semble probable à l'occasion d'un sommet fin Juin.

Un tel accord permettrait à Hollande d'affirmer que son programme de croissance apporte quelque chose, tout en permettant à Merkel d'insister sur le côté sacro-saint de son « pacte fiscal » obligeant à la rigueur budgétaire dans toute la zone euro.

Hollande ne met pas tellement en cause le contenu du pacte fiscal, mais il soutient que celui-ci a besoin d'être augmenté d'un engagement explicite à une politique de croissance. En outre, presque tous les nouveaux pouvoirs du pacte fiscal sont devenus la loi européenne par une législation distincte en décembre dernier, et les Français ne laissent pas vaguement entendre que ces lois doivent être abrogées.

La principale exception ici est la « règle d'or » du pacte fiscal sur l'équilibre budgétaire et le plafonnement de la dette des pays, que Berlin dit qu'elle doit entrer en vigueur par le biais d'amendements aux constitutions nationales et être contrôlée par la Cour de justice européenne. Hollande s'oppose au rôle de cette cour.

Toutefois, la tentative qui s'approche dangereusement de parvenir à un consensus sur une union fiscale plus large de la zone euro et à un élargissement de la prise de décision politique pourrait encore dérailler à cause de crise du jour - la Grèce.

Alors que Berlin et Bruxelles insistent sur le fait qu'Athènes doit respecter les termes coercitifs de son plan de sauvetage européen, il est difficile de savoir où se situerait Hollande au cas où cette question deviendrait hypercritique dans les semaines et les mois à venir.

Traduction [JFG-QuestionsCritiques]

Nous suivre sur Twitter : @QuestionsCritiq



Cet article vous a intéressé ?

Merci de faire un don...
Pourquoi ?
Montant en euros: