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Dictature

Au Zimbabwe, l'opposition prend les armes

Par Parker Khesani, à Bulawayo, et Claire Soares
The Guardian, samedi 14 juin 2008

article original : "Now the opposition takes up arms in Zimbabwe"



Le président du Zimbabwe, Robert Mugabe, lors d'une convention de la jeunesse, hier, à Harare.
(AFP/GETTY IMAGES)

Depuis hier, les craintes d'une guerre civile au Zimbabwe se font plus fortes. En effet, il semble que les supporters de l'opposition, énervés de l'inaction de la police face à la campagne d'intimidation brutale livrée par les alliés du Président Robert Mugabe, ont commencé à former leurs propres "forces de représailles".

Depuis que M. Mugabe - le seul président que le Zimbabwe ait jamais connu - a été relégué à la deuxième place par Morgan Tsvangirai dans le premier tour du scrutin présidentiel, le Mouvement pour un Changement Démocratique d'opposition, le MDC, a rapporté que plus de 60 supporters avaient été assassinés et des milliers d'autres menacés, dans une opération bien huilée destinée à truquer le second tour de l'élection.

Aujourd'hui, à moins de deux semaines du deuxième tour crucial, il est apparu que les habitants de Matabeleland-Sud, le fief de l'opposition, ont pris les choses en main pour repousser les attaques incessantes des milices du parti au pouvoir. "Des anciens combattants hébergés dans une maison du Ministère de l'Agriculture, dans la zone de Nyandemi, ont lancé des attaques contre nos supporters depuis le mois dernier", a déclaré Petros Mukwena, un officiel local du MDC.

"Le week-end dernier, ils ont attaqué la maison de l'une de nos candidates qu'ils ont, en même temps, complètement réduite en poussière. Après avoir attendu en vain pendant plusieurs jours que la police se rende sur les lieux du crime, les villageois se sont mobilisés et ont riposté". Environ 20 "anciens combattants" [les vétérans de Mugabe] et cinq supporters de l'opposition ont été hospitalisés à la suite des heurts, a-t-il dit. Pendant ce temps, M. Mugabe faisait monter d'un cran sa propre rhétorique, en prévenant que ses vétérans autoproclamés brûlaient d'impatience et étaient prêts à partir en guerre si M. Tsvangirai remportait la présidentielle lors du scrutin du 27 juin.

L'Afrique du Sud, voisine du Zimbabwe et ancienne alliée, a été forcée de lancer un appel public pour un retour au calme. "Une guerre civile ne sera pas dans l'intérêt de la région", a déclaré le Ministre délégué aux affaires étrangères de l'Afrique du Sud, Aziz Pahad. "Et nous ferons donc tout notre possible, d'abord pour répondre à toute violence rapportée et, deuxièmement, pour nous assurer que nous n'arrivons jamais à la possibilité d'une guerre civile, parce que cela serait un désastre, non seulement pour le Zimbabwe, mais pour nous tous". Cet appel à la paix a été repris par une coalition d'environ 40 Africains de premier plan - de l'ancien secrétaire général des Nations-Unies, Kofi Annan, au chanteur sénégalais Youssou N'Dour - qui ont passé des publicités en pleine page dans les journaux du monde entier, appelant à "la fin de la violence et des intimidations". Il est crucial pour les intérêts à la fois du Zimbabwe et de l'Afrique que les élections à venir soient libres et honnêtes", ont-ils vivement conseillé.

Mais les signes en provenance d'Harare, hier, étaient loin d'être rassurants. Dans un discours prononcé devant son parti fidèle et loyal, le Zanu-PF, M. Mugabe a déclaré que les vétérans lui avaient dit qu'ils lanceraient une nouvelle guerre de bush si sa présidence de 28 ans prenait fin lorsque les électeurs retourneront aux urnes à la fin du mois. "Ils ont dit que si ce pays retournait entre les mains des blancs, juste parce que nous avons voté, nous retournerons dans le bush pour combattre", a-t-il ajouté. "Nous ne pouvons permettre aux Britanniques de nous dominer à travers leurs hommes de paille".

A Matabeleland - où les mémoires sont encore fraîches des massacres des années 80 lancés par M. Mugabe pour consolider son emprise sur le pouvoir - une partie de la rhétorique était tout aussi belliqueuse. Un officiel local du MDC, qui n'a pas voulu être nommé, a dit qu'ils avaient décidé que pour chaque maison brûlée par les milices du Zanu-PF, les supporters de l'opposition en raseraient 10.

Un autre membre du MDC, Fesi Dube, a dit qu'il continuerait de défier les menaces du gouvernement. "J'ai déclaré que je ne partirais nulle part parce que je veux être là pour en finir avec Mugabe", a-t-il dit. "Je n'ai pas peur des vétérans et s'ils veulent me tuer, j'en tuerais au moins un avant qu'ils ne me matent", a-t-il ajouté, sortant de sa poche un couteau Okapi. Norman Mpofu, un politicien du MDC, qui a été élu au parlement lors des élections de mars, a dit que les vétérans l'avaient appelé à leur base dans la circonscription de Bulilima-Est. "Ils m'ont demandé de dire aux gens qu'ils n'avaient pas l'intention de les combattre, mais qu'ils faisaient simplement leur boulot", a déclaré M. Mpofu. "La situation est en train de dégénérer vers des niveaux dangereux. Le gouvernement doit faire quelque chose à propos de ce cycle de violence parce que notre peuple est maintenant traumatisé".

Traduction : JFG/QuestionsCritiques