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Vladimir Poutine sur l'Ukraine et la Crimée: discussion avec des journalistes


QuestionsCritiques, le 15 mars 2014

article original : Vladimir Putin answered journalists' questions on the situation in Ukraine



Cet entretien s'est déroulé le 4 mars 2014.

Vladimir Poutine : Chers collègues, bonjour

Comment allons-nous nous y prendre ? Voici ce que je propose : ayons plutôt une conversation qu'une interview ! Par conséquent, je vous demanderai de commencer par poser toutes vos questions, je les noterai et essayerai d'y répondre, et ensuite nous aurons une discussion plus détaillée sur les éléments spécifiques qui vous intéressent le plus.

Allons-y !

Question : M. le Président, je voudrais vous demander (vous avez fait une pause assez longue, alors nous avons eu le temps de préparer un certain nombre de questions) comment vous évaluez les événements à Kiev ? Pensez-vous que le Gouvernement et le Président par intérim, qui sont actuellement au pouvoir à Kiev, sont légitimes ? Êtes-vous prêt à communiquer avec eux et sous quelles conditions ? Pensez-vous vous-même qu'il soit possible de retourner aux accords du 21 février, dont nous parlons si souvent ?

Question : M. le Président, la Russie a promis une aide financière à la Crimée et des instructions ont été données, hier, au ministère des Finances. Y a-t-il un accord clair sur le montant que nous donnons, quelle est la provenance des fonds, sous quelles conditions et quand ? La situation là-bas est très difficile.

Question : Quand, dans quelles conditions et envergure la force militaire peut-elle être utilisée en Ukraine ? Jusqu'où cela est-il conforme aux accords internationaux acceptés par la Russie ? Les exercices militaires qui viennent juste de se terminer ont-ils quelque chose à voir avec l'usage possible de la force ?

Question : Nous souhaiterions en savoir plus à propos de la Crimée. Pensez-vous que les provocations sont terminées ou qu'il subsiste une menace pour les citoyens russes qui sont aujourd'hui en Crimée et pour la population russophone ? Quelle est la dynamique générale là-bas - la situation change-t-elle pour le meilleur ou pour le pire ? Nous entendons différents comptes-rendus de là-bas.

Question : Si vous décidez d'utiliser la force, avez-vous bien considéré tous les risques possibles pour vous-même, pour le pays et pour le monde : sanctions économiques, sécurité mondiale affaiblie, possible interdiction de visas ou plus grand isolement de la Russie, comme les politiciens occidentaux le demandent ?

Question : Hier, la bourse russe a chuté brutalement en réaction au vote du Conseil de la Fédération [russe], et les taux de change du rouble ont atteint des plus bas record. Vous attendiez-vous à une telle réaction ? Quelles peuvent-être selon vous les possibles conséquences pour l'économie ? Y a-t-il besoin de prendre des mesures spéciales maintenant, et de quelle sorte ? Par exemple, pensez-vous que la décision de la Banque centrale de passer à un taux de change flottant pour le rouble a pu être prématurée ? Pensez-vous qu'elle devrait être annulée ?

Vladimir Poutine : Bien. Arrêtons-nous ici pour l'instant. Je vais commencer et puis nous poursuivrons. Ne vous inquiétez pas, j'essayerai de répondre à autant de questions que possible.

Tout d'abord, mon évaluation de ce qui s'est passé à Kiev et en Ukraine en général. Il ne peut y avoir qu'une seule évaluation : c'était une prise de pouvoir anticonstitutionnelle, une prise de pouvoir par les armes. Y a-t-il quelqu'un pour le mettre en doute ? Personne. Il y a une question ici que ni moi-même ni mes collègues, avec lesquels j'ai beaucoup discuté de la situation en Ukraine au cours de ces derniers jours, comme vous le savez, à laquelle aucun d'entre nous ne peut répondre. Cette question est : pourquoi cela a-t-il été fait ?

J'aimerais attirer votre attention sur le fait que le Président Yanoukovitch, par l'intermédiaire de la médiation des ministres des Affaires étrangères de trois pays européens - la Pologne, l'Allemagne et la France - et en présence de mon représentant (c'était le commissaire russe aux droits de l'homme, Vladimir Loukine), a signé un accord avec l'opposition, le 21 février [2014]. J'aimerais souligner qu'en vertu de cet accord (je ne dis pas qu'il était bon ou mauvais, je ne fais qu'exposer ce fait) M. Yanoukovitch remettait en réalité le pouvoir. Il acceptait toutes les exigences de l'opposition : il acceptait de tenir des élections législatives anticipées, des élections présidentielles anticipées et de retourner à la constitution de 2004, comme l'exigeait l'opposition. Il a apporté une réponse positive à notre demande, à celle des pays occidentaux et, avant tout, à celle de l'opposition de ne pas utiliser la force. Il n'a pas donné un seul ordre illégal de tirer contre les malheureux manifestants. En outre, il a donné l'ordre de retirer toutes les forces de police de la capitale, et elles ont obéi. Il s'est rendu à Kharkov pour participer à une manifestation [un congrès du Parti des Régions - NdT], et dès qu'il est parti, au lieu de rendre les bâtiments administratifs occupés, ils ont immédiatement occupé la résidence du président et l'immeuble du gouvernement - tout cela au lieu d'agir conformément à l'accord.

Je me pose la question de savoir quel était le but de tout cela ? Je veux comprendre pourquoi cela a été fait. Il [Yanoukovitch] avait en fait déjà renoncé au pouvoir, et ainsi que je le crois, comme je lui ai dit, il n'avait aucune chance d'être réélu. Tout le monde est d'accord sur ce point, tous ceux avec lesquels j'ai parlé au téléphone ces derniers jours. Quel était le but de ces actions illégales et anticonstitutionnelles, pourquoi avaient-ils besoin de créer ce chaos dans le pays ? Des militants armés et masqués rôdent toujours dans les rues de Kiev. C'est une question à laquelle il n'y a aucune réponse. Voulaient-ils humilier quelqu'un et montrer leur puissance ? Je pense que ces actions sont absolument insensées. Le résultat est l'exact opposé de ce qui était attendu, parce que leurs actions ont significativement déstabilisé l'Est et le Sud-Est de l'Ukraine.

Passons à présent à la question de savoir comment cette situation est arrivée.

Selon mon opinion, cette situation révolutionnaire se préparait depuis longtemps, depuis les premiers jours de l'indépendance de l'Ukraine. Le citoyen ukrainien ordinaire, le type lambda a souffert durant le règne de Nicolas II, durant le règne de [Léonide] Koutchma, et de Iouchtchenko et de Yanoukovitch. Rien ou pratiquement rien n'a changé en mieux. La corruption a atteint des dimensions inconnues jusqu'ici en Russie. L'accumulation de richesse et la stratification sociale - des problèmes qui sont également critiques dans ce pays [en Russie] - sont bien pires en Ukraine, radicalement pires. Là-bas, ils défient l'entendement. Généralement, les gens veulent le changement, mais l'on ne devrait pas soutenir le changement illégal.

Seuls des moyens constitutionnels devraient être utilisés dans l'espace post-soviétique, où les structures politiques sont encore très fragiles, et où les économies sont toujours faibles. Dépasser le champ constitutionnel serait toujours une erreur fondamentale dans une telle situation. Accessoirement, je comprends ces personnes sur la place Maïdan, bien que je ne soutienne pas ce genre de mouvement. Je comprends les gens du Maïdan qui appellent à un changement radical plutôt qu'à quelque remodelage cosmétique du pouvoir. Pourquoi l'exigent-ils ? Parce qu'ils ont pris l'habitude de voir une bande de voleurs remplacée par une autre. En outre, les personnes dans les régions ne participent même pas à la formation de leurs propres gouvernements régionaux. Il y avait une époque dans ce pays [la Russie] où le président nommait les dirigeants régionaux, mais ensuite les autorités législatives locales devaient les approuver, tandis qu'en Ukraine ils sont nommés directement. Maintenant, nous sommes passés [en Russie] à des élections, tandis qu'eux en sont très éloignés. Et ils ont commencé à nommer toutes sortes d'oligarques et de milliardaires pour gouverner les régions orientales du pays. Il ne faut pas s'étonner si les gens ne l'acceptent pas, il n'est pas étonnant qu'ils pensent qu'en résultat d'une privatisation malhonnête (exactement comme beaucoup de gens le pensent ici) des personnes se soient enrichies et qu'elles aient été portées au pouvoir. Par exemple, M. Kolomoïsky a été nommé Gouverneur de Dniepropetrovsk. C'est un remarquable escroc. Il a même réussi à tromper notre oligarque Roman Abramovitch, il y a deux ou trois ans. Il l'a arnaqué, comme nos intellectuels aiment à le dire. Ils ont signé un accord, Abramovitch a transféré plusieurs milliards de dollars, tandis que ce type n'a jamais tenu parole et a empoché l'argent. Lorsque je lui ai demandé [à Abramovitch] : « Pourquoi l'avez-vous fait ? », il a répondu : « Je n'ai jamais pensé que c'était possible ». Soit dit en passant, je ne sais pas s'il a récupéré son argent et si l'accord a été annulé. Mais cela s'est réellement produit il y a deux ou trois ans. Et à présent cet escroc est nommé Gouverneur de Dniepropetrovsk. Il ne faut pas s'étonner que les gens soient mécontents. Ils étaient mécontents et le resteront si ceux qui prétendent être les autorités légitimes continuent de la même façon.

Plus important, les gens devraient avoir le droit de déterminer leur propre avenir, celui de leur famille et de leur région, et y prendre une part égale. Je voudrais insister sur ceci : peu importe l'endroit où vit une personne, peu importe la région du pays, il ou elle devrait avoir le droit de prendre une part égale dans la détermination de l'avenir du pays.

Les autorités actuelles sont-elles légitimes ? Le parlement l'est partiellement, mais toutes les autres ne le sont pas. L'actuel président par intérim n'est définitivement pas légitime. Il n'y a qu'un seul président légitime d'un point de vue légal. Manifestement, il n'a aucun pouvoir. Toutefois, comme je l'ai déjà dit et le répèterai : Yanoukovitch est le seul président indubitablement légitime.

Il existe trois moyens de faire partir un président selon la loi ukrainienne : le premier est le décès, le deuxième est lorsqu'il démissionne et le troisième est l'impeachment [ou mise en accusation et destitution - NdT]. Ce dernier moyen est une norme constitutionnelle qui a été amplement discutée. Elle doit impliquer la Cour Constitutionnelle, la Cour Suprême et la Rada [le parlement ukrainien - NdT]. C'est une procédure longue et complexe. Elle n'a pas été entreprise. Par conséquent, d'un point de vue légal, c'est un fait incontestable.

De plus, je pense que c'est peut-être la raison pour laquelle ils ont dissout la Cour Constitutionnelle, ce qui va à l'encontre de toutes les normes légales, à la fois de l'Ukraine et de l'Europe. Ils ont non seulement dissout la Cour Constitutionnelle de manière illégitime, mais ils ont également - pensez-y ! - ordonné au bureau du procureur général de lancer des procédures criminelles contre les membres de la Cour Constitutionnelle. De quoi s'agissait-il ? Est-ce cela qu'ils appellent une justice libre ? Comment peut-on ordonner à quiconque d'entamer des procédures criminelles ? Si un crime ou un délit a été commis, les agences chargées de faire appliquer la loi s'en occupent et réagissent. Mais leur ordonner d'instruire des accusations criminelles est absurde, ce sont des combines.

Passons maintenant à l'aide financière à la Crimée. Comme vous le savez peut-être, nous avons décidé d'ouvrer dans les régions russes pour aider la Crimée, laquelle s'est tournée vers nous pour un soutien humanitaire. Nous l'apporterons, bien sûr. Je ne peux pas dire combien, quand ou comment - le Gouvernement y travaille, en réunissant les régions qui bordent la Crimée, en apportant un soutien additionnel à nos régions, afin qu'elles puissent aider les gens en Crimée. Nous le ferons, bien sûr.

Le déploiement de troupes, l'usage des forces armées. Pour l'instant, il n'y en a pas besoin, mais la possibilité subsiste. J'aimerais dire ici que les exercices militaires que nous avons récemment conduits n'avaient rien à voir avec les événements en Ukraine. Cela était planifié à l'avance, mais nous n'avons pas dévoilé ces plans, naturellement, parce que c'était une inspection surprise de la préparation au combat des forces. Nous avions planifié cela il y a longtemps, le ministre de la Défense m'en rendait compte et j'avais l'ordre qui était prêt de commencer l'exercice. Comme vous le savez peut-être, ces exercices sont terminés ; j'ai donné l'ordre aux troupes, hier, de retourner dans leurs affectations régulières.

Quelle pourrait être la raison d'utiliser les forces armées ? Une telle mesure serait assurément le tout dernier recours.

Premièrement, la question de la légitimité. Comme vous le savez peut-être, le président sortant et, comme je l'ai dit, légitime président de l'Ukraine, M. Yanoukovitch, nous a lancés un appel nous demandant d'utiliser les forces armées pour protéger les vies, la liberté et la santé des citoyens de l'Ukraine. Quelle est notre plus grande préoccupation ? Nous voyons les actes de violence des forces réactionnaires, nationalistes et antisémites à l'ouvre dans certaines parties de l'Ukraine, y compris à Kiev. Je suis sûr que vous, les membres des médias, avez vu comment l'un des gouverneurs a été enchaîné et menotté à quelque chose et qu'ils ont déversé de l'eau sur lui, dans le froid hivernal. Après cela, il a été enfermé dans une cave et torturé. Qu'est-ce qui se tramel ? Est-ce cela la démocratie ? Est-ce une manifestation de la démocratie ? Je crois savoir qu'il n'avait été nommé que récemment à ce poste, en décembre [2013]. Même si nous reconnaissons qu'ils sont tous corrompus là-bas, il n'a pas eu beaucoup de temps pour voler quoi que ce soit.

Et savez-vous ce qui s'est passé lorsqu'ils se sont emparés de l'immeuble du Parti des Régions [le parti de Yanoukovitch - NdT] ? Il n'y avait à ce moment-là aucun membre du parti. Deux ou trois employés sont sortis, l'un était un ingénieur, et il a dit aux assaillants : « Pourriez-vous nous laisser partir et permettre aux femmes de sortir, s'il vous plaît. Je suis un ingénieur, je n'ai rien à voir avec la politique. » Il a été immédiatement abattu devant la foule. Un autre employé a été conduit dans une cave et ensuite ils ont lancé sur lui des cocktails Molotov et l'ont brûlé vif. Est-ce également une manifestation de la démocratie ?

Lorsque nous voyons cela, nous comprenons ce qui inquiète les citoyens de l'Ukraine, qu'ils soient russes ou ukrainiens, ainsi que la population russophone dans les régions orientales et du Sud-Est du pays, et si les gens nous demande de l'aide, alors que nous avons déjà la demande officielle du président légitime, nous conservons le droit d'utiliser tous les moyens disponibles pour protéger ces gens. Nous pensons que cela serait absolument légitime. C'est ce que nous ferions en dernier recours. En outre, voici ce que j'aimerais dire : nous avons toujours considéré l'Ukraine non seulement comme notre voisine, mais aussi comme une république voisine sour, et nous continuerons à le faire. Nos forces armées sont des compagnons d'armes, des amis, dont beaucoup se connaissent personnellement. Je suis certain, et j'insiste, je suis certain que l'armée ukrainienne et l'armée russe ne se retrouveront pas face à face, elles seront du même côté du combat.

Incidemment, les choses dont je parle - cette unité - est ce qui se passe en Crimée. Vous devriez noter que, Dieu merci, pas un seul coup de feu n'a été tiré là-bas ; il n'y a aucun blessé, à l'exception de cette bousculade sur la Place, il y a environ une semaine. Que s'est-il passé là-bas ? Les gens sont venus, ont entouré les unités des forces armées et leur ont parlé, les convaincant de suivre les exigences et la volonté des gens vivant dans cette région. Il n'y a pas eu un seul conflit armé, pas un seul coup de feu.

Par conséquent, la tension en Crimée qui était liée à la possibilité que nous utilisions nos forces armées a tout simplement disparu et il n'y avait aucun besoin de les utiliser. La seule chose que nous devions faire, et nous l'avons fait, était de renforcer la défense de nos installations militaires parce qu'elles recevaient constamment des menaces et que nous avions conscience des nationalistes armés qui s'approchaient. Nous avons fait cela, c'était la bonne chose à faire et c'était très urgent. C'est pourquoi le poursuit l'idée que nous n'aurons rien de la sorte en Ukraine orientale.

Cependant, il y a quelque chose que j'aimerais souligner. De toute évidence, ce que je vais dire maintenant ne dépend pas de mon autorité et nous n'avons pas l'intention de nous interférer. Toutefois, nous croyons fermement que tous les citoyens d'Ukraine, je le répète, où qu'ils vivent, devraient avoir le même droit égal de participer à la vie de leur pays et à la détermination de son avenir.

Si je me trouvais en lieu et place de ceux qui se considèrent comme les autorités légitimes, je ne perdrais pas de temps à épuiser toutes les procédures nécessaires, parce qu'ils n'ont pas de mandat national pour conduire la politique intérieure, étrangère et économique de l'Ukraine, et en particulier pour déterminer son avenir. A présent, le marché boursier. Comme vous le savez peut-être, la bourse était volatile même avant que la situation de l'Ukraine ne se détériore. Cela est avant tout lié à la politique de la Réserve Fédérale américaine, dont les récentes décisions ont renforcé l'intérêt d'investir dans l'économie américaine, et les investisseurs ont commencé à déplacer leurs fonds des marchés en développement vers le marché américain. C'est une tendance générale et elle n'a rien à voir avec l'Ukraine. Je pense que c'est l'Inde qui a souffert le plus, ainsi que les autres Etats des BRICS [Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud - NdT]. La Russie a été également touchée, pas aussi fortement que l'Inde, mais elle l'a été. C'est la raison fondamentale [de la volatilité de la bourse - NdT].

Quant aux événements en Ukraine, la politique influence toujours le marché boursier d'une façon ou d'une autre. L'argent aime la tranquillité, la stabilité et le calme. Cependant, je pense que c'est un développement tactique, temporaire, et une influence temporaire.

Vos questions s'il vous plaît.

Question : M. le Président, pouvez-vous nous dire si vous vous attendiez à une réaction aussi sévère aux actions de la Russie de la part de vos partenaires occidentaux ? Pouvez-vous nous donner des détails de vos conversations avec vos partenaires occidentaux ? Tout ce que nous avons entendu était un compte-rendu du service de presse. Et que pensez-vous du sommet du G8 à Sotchi - aura-t-il lieu ?

Vladimir Poutine : En ce qui concerne la réaction attendue, si le G8 se réunira et à propos des conversations. Nos conversations sont confidentielles, certaines se tiennent même sur nos lignes sécurisées. Par conséquent, je ne suis pas autorisé à révéler ce dont j'ai discuté avec mes partenaires. Toutefois, je parlerai de quelques déclarations publiques faites par mes collègues occidentaux ; sans citer de noms, je les commenterai dans un sens général.

A quoi faisons-nous attention ? On nous dit souvent que nos actions sont illégitimes, mais lorsque je demande : « Pensez-vous que tout ce que vous faites est légitime ? », ils répondent « oui ». Ensuite, je dois rappeler les actions des Etats-Unis en Afghanistan, en Irak et en Libye, où ils ont agi sans mandat de l'ONU ou en détournant complètement le contenu de telles résolutions, comme ce fut le cas en Libye. Là-bas, comme vous le savez peut-être, la résolution ne parlait que de fermer l'espace aérien aux avions du gouvernement, alors que tout s'est terminé par des attaques aériennes et des opérations terrestres des forces spéciales.

Nos partenaires, en particulier les Etats-Unis, ont toujours clairement formulé leurs intérêts géopolitiques, et les ont suivis avec persistance. Ensuite, en utilisant le principe « Soit vous êtes avec nous, soit vous êtes contre nous » ils entraînent le reste du monde. Et ceux qui ne veulent pas se joindre à eux se font « malmener » jusqu'à ce qu'ils cèdent.

Notre approche est différente. Nous procédons à partir de la conviction que nous agissons toujours légitimement. J'ai toujours personnellement défendu qu'il fallait agir conformément à loi internationale. Je voudrais insister une fois encore sur le fait que si nous prenons cette décision, si je décide d'utiliser les forces armées, ce sera une décision légitime en parfaite conformité, à la fois aux normes générales de la loi internationale, puisque nous avons cet appel du président légitime, et à nos engagements, lesquels coïncident dans ce cas avec notre intérêt de protéger les personnes avec lesquelles nous avons des liens étroits, historiques, culturels et économiques. Protéger ces personnes est dans notre intérêt national. C'est une mission humanitaire. Nous n'avons pas l'intention d'assujettir quiconque ou de donner des ordres à quiconque. Cependant, nous ne pouvons pas rester indifférents si nous voyons qu'elles sont persécutées, détruites et humiliées. Toutefois, j'espère sincèrement que n'arriverons pas à cette extrémité.

Question : Comment évaluez-vous la réaction de l'Ouest aux événements en Ukraine et leurs menaces vis-à-vis de la Russie : sommes-nous face à la possibilité de sanctions ou d'un retrait du G8 ?

Vladimir Poutine : En ce qui concerne les sanctions. C'est avant tout ceux qui ont l'intention de les appliquer qui ont besoin de prendre en considération leurs conséquences. Je crois que dans le monde moderne, où tout est relié et interdépendant, il est possible de causer des dommages à un autre pays, mais cela sera des dommages réciproques et il faut garder cela en tête. C'est un premier point.

Le deuxième et le plus important. Je vous ai déjà dit ce qui nous motive. Mais qu'est-ce qui motive nos partenaires ? Ils ont soutenu une prise de pouvoir armée inconstitutionnelle, déclaré ces gens légitimes et essayent de les soutenir. Au passage, malgré tout cela, nous avons été patients et même prêts à coopérer ; nous ne voulons pas interrompre notre coopération. Comme vous le savez peut-être, il y a quelques jours, j'ai donné instruction au Gouvernement de réfléchir sur la manière dont nous pouvons maintenir des contacts, même avec ces puissances à Kiev que nous ne considérons pas comme légitimes afin de conserver nos liens économiques et industriels. Nous pensons que nos actions ont été absolument raisonnables, alors que toute menace contre la Russie est contre-productive et dangereuse.

Quant au G8, je ne sais pas. Nous serons prêts à accueillir ce sommet avec nos collègues. S'ils ne veulent pas venir - tant pis.

Question : Puis-je ajouter quelque chose à propos des contacts ? La façon dont je le comprends, vous considérez que le Premier ministre de la Crimée, M. Aksenov, est un représentant légitime des autorités gouvernementales. Êtes-vous prêt à avoir des contacts avec ceux qui se considèrent comme les autorités légitimes à Kiev ?

Vladimir Poutine : Je viens juste d'en parler. Vous avez dû passer à côté.

Question : Je veux dire, au plus haut niveau pour une solution politique.

Vladimir Poutine : Je n'ai aucun partenaire là-bas au plus haut niveau. Il n'y a aucun président là-bas, et il ne peut y en avoir avant les élections générales. Quant à la Crimée, le parlement y a été formé en 2010, en décembre 2010, si je m'en souviens correctement. Il y a 100 députés représentant six partis politiques. Après que l'ancien Premier ministre a démissionné, le parlement criméen, conformément à la législation existante et aux procédures, a élu un nouveau Premier ministre lors d'une session du Conseil Suprême criméen. Il est absolument légitime. Ils ont respecté toutes les procédures envisagées par la loi ; il n'y a pas eu une seule violation. Toutefois, lorsqu'un groupe d'hommes armés, il y a quelques jours, a essayé d'occuper le bâtiment du Conseil Suprême criméen, cela a provoqué l'inquiétude des habitants. Il semblait que quelqu'un voulait appliquer le scénario de Kiev en Crimée et lancer une série d'attaques terroristes et provoquer le chaos. Naturellement, cela a causé une très forte inquiétude parmi les habitants. C'est pourquoi ils ont mis en place des comités d'autodéfense et pris le contrôle de toutes les forces armées.

Incidemment, j'étudiais, hier, le compte-rendu pour voir ce dont ils avaient pris le contrôle - c'est comme une zone fortifiée. Il y a plusieurs douzaines d'unités de S-300 [missiles sol-air russes - NdT], plusieurs systèmes de missiles de DCA, 22.000 membres du personnel militaire et beaucoup plus. Toutefois, comme je l'ai dit, tout cela se trouve entre les mains du peuple de Crimée et sans un seul coup de feu tiré.

Question : M. le Président, une clarification, si je puis me permettre. Les personnes qui bloquaient les unités de l'armée ukrainienne en Crimée portaient des uniformes qui ressemblaient fortement à l'uniforme de l'armée russe. Où étaient ces soldats russes, l'armée russe ?

Vladimir Poutine : Pourquoi ne jetez-vous pas un coup d'oil à ces Etats post-soviétiques ? Il a de nombreux uniformes qui sont similaires. Vous pouvez vous rendre dans un magasin et acheter toutes sortes d'uniformes.

Question : Mais étaient-ils ou non des soldats russes ?

Vladimir Poutine : C'était des unités d'autodéfense locales.

Question : A quel point sont-elles bien entraînées ? Si nous les comparons aux unités d'autodéfense à Kiev.

Vladimir Poutine : Mon cher collègue, voyez comme les personnes qui ont opéré à Kiev étaient bien entraînées. Comme nous le savons tous, elles ont été entraînées dans des bases spéciales dans des Etats voisins : en Lituanie, en Pologne et aussi en Ukraine elle-même. Elles ont été entraînées par des instructeurs pendant des périodes prolongées. Elles étaient divisées par groupe de douze et de cent, leur actions étaient coordonnées, elles avaient de bons systèmes de communication. C'était comme une mécanique de précision. Les avez-vous vues en action. Elles avaient l'air très professionnelles, comme des forces spéciales. Pourquoi pensez-vous que ceux en Crimée devraient être moins bons ?

Question : Dans ce cas, je peux préciser : avons-nous pris part dans l'entraînement des forces d'autodéfense criméennes ?

Vladimir Poutine : Non, nous ne l'avons pas fait.

Question : Comment voyez-vous l'avenir de la Crimée ? Prenez-vous en considération la possibilité qu'elle rejoigne la Russie ?

Vladimir Poutine : Non. Généralement, je pense que seuls les habitants d'un pays donné qui ont la liberté de décider sont en parfaite sécurité et devraient déterminer leur avenir. Si ce droit a été accordé aux Albanais du Kosovo, s'il on l'a rendu possible dans différentes parties du monde, alors personne n'a exclu ce droit des nations à l'autodétermination, qui, autant que je sache, est inscrit dans divers documents de l'ONU. Cependant, nous ne provoquerons d'aucune façon une telle décision et ne nourrirons pas de tels sentiments.

Je voudrais insister sur le fait que je pense que seuls les personnes vivant sur un territoire donné ont le droit de déterminer leur propre avenir.

Question : Deux questions. Vous avez dit qu'envoyer des troupes en Ukraine est une mesure extrême, mais vous ne l'avez néanmoins pas écartée. Pourtant, si les troupes russes pénètrent en Ukraine, cela pourrait déclencher une guerre. Cela ne vous inquiète-t-il pas ?

Vladimir Poutine : Vous savez, certaines personnes, y compris celles qui ont récemment participé aux manifestations, ont exprimé l'opinion que c'était des provocateurs issus de l'un des partis d'opposition. En avez-vous entendu parler ?

Réponse : Non, je n'en ai pas entendu parler.

Vladimir Poutine : Jetez un coup d'oil sur ces documents - ils sont en libre accès. Voilà pourquoi il est difficile d'aller jusqu'au fond de la situation. Mais vous et moi avons-vu par nous-même lorsque les combattants du Berkout [les forces spéciales du pouvoir ukrainien - NdT] se tenaient là avec leurs boucliers et qu'on leur tirait dessus - et ce n'étaient pas des armes à air comprimé que l'on utilisait contre eux, mais des armes d'assaut qui transperçaient leurs boucliers. C'est quelque chose que nous avons vue de façon certaine. Quant à ceux qui ont donné les ordres - je n'en sais rien. Je sais seulement ce que M. Yanoukovitch m'a dit. Et il m'a dit qu'il n'a pas donné d'ordres et, de plus, il a même donné des instructions - après avoir signé un accord correspondant - de retirer toutes les unités de la milice de la capitale.

Si vous voulez, je peux vous en dire encore plus. Il m'a appelé au téléphone et je lui ai dit de ne pas le faire [de ne pas retirer les unités de la milice de la capitale - NdT]. J'ai dit : « Vous aurez l'anarchie, vous aurez le chaos dans la capitale. Pensez aux personnes. » Mais il l'a fait quand même. Et dès qu'il l'a fait, ses bureaux ont été investis, et ceux du gouvernement, et le chaos dont je l'avais prévenu et qui se poursuit à ce jour est apparu.

Question : Qu'en est-il de la première question ? Êtes-vous inquiet qu'une guerre pourrait éclater ?

Vladimir Poutine : Je ne suis pas inquiet, parce que nous ne prévoyons pas de combattre contre les Ukrainiens et nous ne le ferons pas.

Question : Mais il y a des troupes ukrainiennes, il y a une armée ukrainienne.

Vladimir Poutine : Ecoutez attentivement, je veux que vous me compreniez clairement : si nous prenons cette décision, ce ne sera que pour protéger les citoyens ukrainiens. Et que ces troupes essayent de tirer sur leur propre peuple, avec nous derrière eux - pas devant, mais derrière ! Qu'ils essayent de tirer sur des femmes et des enfants ! J'aimerais bien voir ceux qui donneraient cet ordre en Ukraine.

Question : Puis-je poser une question, M. le Président ? Nos collègues, mes collègues, qui travaillent actuellement en Ukraine, disent que presque tous les jours la situation pour les combattants du Berkout s'aggrave (peut-être à l'exception de la Crimée). En particulier, à Kiev, il y a des agents du Berkout blessés qui se trouvent maintenant dans des hôpitaux, où personne ne les soigne et ils ne sont même pas nourris. Et leurs familles, y compris les membres âgés de leurs familles, ne peuvent tout simplement pas quitter leur maison, parce qu'ils n'y sont pas autorisés ; il y a des barricades partout, ils sont humiliés. Pouvez-vous faire un commentaire ? Et la Russie peut-elle aider ces familles et collègues ?

Vladimir Poutine : Oui, cette question nous préoccupe beaucoup. Après tout, ce ne sont pas des agents du ministère de l'Intérieur russe, et nous ne gérons pas la situation là-bas. Mais en dehors des considérations humanitaires, il serait bon que nos organisations humanitaires s'implique aussi dans cela ; nous pourrions demander à Vladimir Loukine, soit à lui seul ou en compagnie de ses collègues, les représentants de la France, de l'Allemagne et de la Pologne, avec lesquels il a participé à développer le document bien connu du 21 février 2014, de se rendre sur place et de voir ce qui se passe là-bas avec ces agents du Berkout, qui n'ont violé aucune loi et agi en accord avec les ordres qu'ils avaient reçus. Ce sont des membres du personnel militaire, ils se sont tenus là face aux balles, ils ont été aspergés de feu et ont reçu des cocktails Molotov. Ils ont été blessés et sont maintenant à l'hôpital. C'est même difficile à imaginer - même les prisonniers de guerre sont nourris et soignés. Mais ils n'ont pas seulement cessé de les soigner, ils ont même cessé de les nourrir. Et ils ont entouré les immeubles où vivent les familles de ces combattants et les terrorisent. Je pense que les organisations des droits de l'homme doivent y prêter attention. Et nous, de notre côté, sommes prêts à leur apporter l'assistance médicale, ici, en Russie.

Question : M. le Président, retournons à la réaction de l'Ouest. A la suite de la déclaration sévère du ministre américain des Affaires étrangères [John Kerry - NdT], le Conseil de la Fédération [russe] a suggéré que nous rappelions notre ambassadeurs aux Etats-Unis. Soutenez-vous cette idée ?

Vladimir Poutine : Le Secrétaire d'Etat est certainement une personne importante, mais il n'est pas l'ultime autorité qui détermine la politique étrangère des Etats-Unis. Nous entendons des déclarations de la part de divers hommes politiques et députés de diverses forces politiques. Ce serait une mesure extrême. Si nécessaire, on en fera usage. Mais je ne veux vraiment pas l'utiliser, parce que je pense que la Russie n'est pas la seule à avoir intérêt à coopérer avec ses partenaires à un niveau international et dans des secteurs comme l'économie, la politique et la sécurité étrangère ; nos partenaires sont tout aussi intéressés par cette coopération. Il est très facile de détruire ces instruments de coopération et il serait très difficile de les reconstruire.

Question : La Russie a été impliquée dans le destin de Yanoukovitch. Comment voyez-vous son rôle à l'avenir et sa future destinée ?

Vladimir Poutine : Vous savez, il est très difficile pour moi de le dire ; je ne l'ai pas analysé minutieusement. Je pense qu'il n'a aucun avenir politique, et je le lui ai dit. Quant à « s'impliquer dans son destin » - nous l'avons fait purement pour des considérations humanitaires. La mort est le moyen le plus aisé pour se débarrasser d'un président légitime, et je pense que c'est ce qui se serait produit. Je pense qu'ils l'auraient purement et simplement tué. Au passage, cela soulève la question suivante : pour quelle raison ?

Après tout, regardez comment tout cela a commencé, ce qui a déclenché ces événements. La raison officielle était qu'il n'avait pas signé l'Accord d'association avec l'Union européenne. Aujourd'hui, cela semble absurde ; il est même ridicule d'en parler. Mais je veux faire remarquer qu'il n'a pas refusé de signer cet accord d'association. Il a dit : « Nous l'avons minutieusement analysé et son contenu ne correspond pas à nos intérêts nationaux. Nous ne pouvons pas augmenter brutalement les prix de l'énergie pour notre peuple, parce qu'il se trouve déjà dans une position assez difficile. Nous ne pouvons pas le faire, ni cela, ni cela. Nous ne pouvons pas immédiatement rompre nos liens économiques avec la Russie, parce que notre coopération est très étendue. »

J'ai déjà présenté ces chiffres : sur approximativement 14 milliards [de dollars] d'exportations, environ 5 milliards représentent des produits de deuxième et de troisième niveau de transformation technologique exportés vers la Russie. Autrement dit, à peu près toute la production mécanique est exportée vers la Russie ; l'Ouest n'achète aucun produit ukrainien. Et prendre tout cela et le démolir, introduire des normes techniques européennes dans l'économie ukrainienne, que, heureusement ou malheureusement, nous n'utilisons pas pour l'instant. Nous adopterons ces normes à un moment ou un autre, mais actuellement, nous n'avons pas ces normes en Russie. Cela signifie que du jour au lendemain, nos relations et nos liens de coopérations seront rompus, les entreprises s'immobiliseront et le chômage s'accroîtra. Et qu'a dit Yanoukovitch ? Il a dit : « Je ne peux pas faire cela si soudainement, discutons-en un peu plus. » Il n'a pas refusé de le signer, il a demandé la possibilité de discuter un peu plus ce document, et ensuite toute cette folie a commencé.

Et pourquoi ? A-t-il fait quelque chose en dehors du champ de son autorité? Il a agi absolument dans le cadre du champ de son autorité ; il n'a rien enfreint. C'était simplement un prétexte pour soutenir les forces qui lui étaient opposées dans une lutte pour le pouvoir. Dans l'ensemble, ce n'est pas exceptionnel. Mais est-ce qu'il était nécessaire d'en arriver à ce niveau d'anarchie, à un renversement inconstitutionnel et à une prise du pouvoir par les armes, qui a ensuite plongé cette nation dans le chaos où elle se trouve aujourd'hui ? Je pense que c'est inacceptable. Et ce n'est pas la première fois que nos partenaires occidentaux le font en Ukraine. Parfois, j'ai le sentiment que quelque part dans cet énorme délire, en Amérique, des gens sont assis dans un labo et mènent des expérimentations, comme avec des rats, sans vraiment comprendre les conséquences de ce qu'ils font. Pourquoi ont-ils besoin de faire ça ? Qui peut l'expliquer ? Il n'y a aucune explication pour cela.

La même chose s'est produite durant le premier soulèvement du Maïdan, lorsque Yanoukovitch a été barré du pouvoir. Pourquoi avons-nous eu besoin de ce troisième tour électoral ? En d'autres termes, cela a été transformé en farce - la vie politique de l'Ukraine a été transformée en farce. Ce n'était aucunement conforme à la Constitution. Vous voyez, nous enseignons maintenant aux gens que si une personne peut violer une loi, n'importe qui d'autre peut faire la même chose, et c'est ce qui cause le chaos. C'est le danger. A la place, nous devons enseigner à notre société de suivre d'autres traditions : les traditions de respecter la loi principale de la nation, la Constitution, et toutes les autres lois. Bien sûr, nous n'y parviendrons pas toujours, mais je pense qu'agir ainsi - comme un éléphant dans un magasin de porcelaine - est contre-productif et très dangereux.

S'il vous plaît.

Question : M. le président, de votre point de vue, Tourtchinov est illégitime.

Vladimir Poutine : En tant que président, oui.

Question : Mais la Rada [le parlement ukrainien - NdT] est partiellement légitime.

Vladimir Poutine : Oui.

Question : Iatseniouk et son gouvernement sont-ils légitimes ? Et si la Russie est préoccupée par la force croissante des éléments radicaux, ils se renforcent à chaque fois qu'ils se retrouvent face à un ennemi hypothétique qu'ils considèrent, selon leur point de vue, être actuellement la Russie et sa position consistant à se tenir prête à envoyer des troupes. Question : cela a-t-il un sens et est-il possible d'engager des pourparlers avec les forces modérées au sein du gouvernement ukrainien, avec Iatseniouk, et est-il légitime ?

Vladimir Poutine : Ecoutez, il semble que vous n'ayez pas entendu ce que j'ai dit. Je l'ai déjà dit il y a trois jours, j'ai donné des instructions au Gouvernement de reprendre les contacts au niveau gouvernemental avec leurs collègues dans les ministères correspondants en Ukraine, afin de ne pas interrompre les liens économiques, de les soutenir dans leur tentative de reconstruire l'économie. Telles étaient mes instructions directes au Gouvernement russe. De plus, M. Medvedev est en contact avec [Arseni] Iatseniouk. Et je sais que Sergueï Narichkine, en tant que président du parlement russe, est en contact avec [Alexandre] Tourtchinov. Mais, je le répète, tous nos liens commerciaux et économiques et autres, nos liens humanitaires, ne peuvent être entièrement développés seulement quand la situation sera normalisée et que des élections présidentielles se tiendront.

Question : Gazprom a déjà dit qu'elle rétablirait les anciens prix du gaz début avril.

Vladimir Poutine : Gazprom ne peut pas avoir dit ça; vous n'écoutiez pas attentivement ou cela n'a pas été exprimé clairement. Gazprom ne rétablit pas les anciens prix. Elle ne veut tout simplement pas prolonger les ristournes actuelles, qu'elle a accepté d'appliquer ou de ne pas appliquer sur une base trimestrielle. Avant même tous ces événements, avant même qu'ils atteignent le point de crise. Je suis au courant des négociations entre Gazprom et ses partenaires. Gazprom et le Gouvernement de la Fédération russe se sont mis d'accord pour que Gazprom introduise une remise en réduisant le prix du gaz à 268,50 dollars les 1.000 mètres cubes. Le Gouvernement de la Russie apporte la première tranche du prêt, qui n'est pas officiellement un prêt mais un achat d'obligation - un quasi-prêt, 3 milliards de dollars dans la première étape. Et la partie ukrainienne s'engage à rembourser entièrement sa dette qui est survenue dans la seconde moitié de l'année dernière et d'effectuer des paiements réguliers pour ce qu'ils consomment - pour le gaz. La dette n'a pas été remboursée, des paiements réguliers n'ont pas été effectués en totalité.

En outre, si les partenaires ukrainiens n'effectuent pas le paiement de février, la dette sera encore plus importante. Aujourd'hui, elle est de l'ordre de 1,5/1,6 milliards de dollars. Et s'ils ne payent pas février en totalité, elle sera de près de 2 milliards de dollars. Naturellement, dans ces circonstances, Gazprom dit : « Ecoutez les amis, puisque vous ne nous payez pas de toute façon et que nous ne voyons que votre dette augmenter, repassons au prix normal, qui est déjà réduit. » C'est un élément purement commercial des activités de Gazprom, qui projette ses revenus et ses dépenses dans ses plans d'investissement comme toute autre entreprise majeure. S'ils ne reçoivent pas à temps l'argent de leurs partenaires ukrainiens, alors ils réduisent leurs propres programmes d'investissement ; c'est un réel problème pour eux. Et, soit dit en passant, cela n'a pas grand-chose à voir avec les événements en Ukraine ou des considérations politiques. Il y avait un accord : « Nous vous donnons de l'argent et réduisons les tarifs du gaz, et vous nous faites des paiements réguliers. » Ils leur ont donné de l'argent et réduit les tarifs gaziers, mais les paiements ne sont pas effectués. Alors, Gazprom dit naturellement : « Les gars, ça ne marchera pas ».

Question : M. le Président, le Service de presse de Merkel [la chancelière allemande] a dit après votre conservation téléphonique que vous vous étiez mis d'accord pour envoyer une mission d'information internationale en Ukraine et établir un groupe de contact.

Vladimir Poutine : J'ai dit que nous avons des gens qui ont la formation et l'expérience nécessaire pour être capables d'examiner cette question et en discuter avec nos collègues allemands. C'est tout à fait possible. J'ai donné cette instruction en accord avec notre ministre des Affaires étrangères [Sergueï Lavrov - NdT], qui a rencontré le ministre allemand des Affaires étrangères, M. Steinmeier, ou le rencontrera aujourd'hui pour discuter de cette question.

Question : Tous les yeux sont bien sûr tournés en ce moment vers la Crimée, mais nous voyons également ce qui se passe dans d'autres parties d'Ukraine, à l'Est et dans le Sud. Nous voyons ce qui se passe à Kharkov, à Donetsk, à Lugansk et à Odessa. Les gens hissent le drapeau russe sur les bâtiments du gouvernement et demandent l'aide et le soutien de la Russie. La Russie répondra-t-elle à ces événements ?

Vladimir Poutine : Pensez-vous que nous n'avons apporté aucune réponse ? Je pense que nous venons de passer la dernière heure à discuter de cette réponse. Dans certains cas, cependant, les développements qui se déroulent sont imprévisibles à mes yeux. Je n'entrerai pas dans des détails spécifiques sur ce à quoi je me réfère ici, mais la réaction que nous voyons de la part des gens est compréhensible, en principe. Nos partenaires de l'Ouest et ceux qui se disent être le gouvernement à Kiev maintenant n'ont-ils pas prévu que les évènements prendraient ce tour-là ? Je leur ai dit, toujours et encore : Pourquoi mettez-vous ce pays dans un tel état ? Qu'êtes-vous en train de faire ? Mais ils continuent de pousser dans cette direction. Bien sûr que les gens dans la partie orientale du pays réalisent qu'ils ont été maintenus à l'écart du processus de prise de décision.

Ce qui est essentiellement nécessaire maintenant est d'adopter une nouvelle constitution et de la soumettre à referendum, afin que tous les citoyens d'Ukraine puissent prendre part au processus et influencer le choix des principes de base qui formeront les fondations du gouvernement de leur pays. Mais ce n'est pas notre affaire, évidemment. C'est quelque chose que les Ukrainiens et les autorités ukrainiennes doivent décider d'une façon ou d'une autre. Je pense qu'une fois un gouvernement légitime en place et qu'un nouveau parlement et un nouveau président seront élus, ce qui est prévu, cela avancera probablement. Si j'étais eux, je retournerais à la question d'adopter une constitution et, comme je l'ai dit, la soumettrais à referendum afin que chacun puisse avoir son mot à dire, voter, et ensuite tout le monde devra la respecter. Si les gens se sentent à l'écart de ce processus, ils ne l'accepteront jamais et continueront de la combattre. Qui a besoin de cette sorte de chose ? Mais comme je l'ai dit, ce n'est en aucun cas notre affaire.

Question : La Russie reconnaîtra-t-elle l'élection présidentielle prévue qui aura lieu en Ukraine ?

Vladimir Poutine : Voyons comment elle se déroule. Si elle s'accompagne de la même sorte de terreur que nous voyons actuellement à Kiev, nous ne la reconnaîtrons pas.

Question : Je veux revenir à la réaction de l'Ouest. Alors que toutes ces discussions épineuses se poursuivent, nous avons les Jeux Paralympiques qui ouvrent dans quelques jours à Sotchi. Ces jeux risquent-ils d'être interrompus, du moins pour ce qui est de leur couverture médiatique internationale ?

Vladimir Poutine : Je ne sais pas, je pense que ce serait le sommet du cynisme que de mettre en danger les Jeux Paralympiques. Nous savons tous que c'est une manifestation sportive internationale où les gens atteints d'infirmité peuvent montrer de quoi ils sont capables, se prouver à eux-mêmes et au monde entier que ce ne sont pas des personnes limitées, mais au contraire des personnes aux possibilités illimitées, et démontrer leur réussite dans le sport. S'il y a des gens prêts à essayer d'interrompre cet événement, cela montrerait que ce sont des personnes pour lesquelles il n'y a vraiment rien de sacré.

Question : Je veux poser une question sur la possibilité hypothétique d'utiliser l'armée. A l'Ouest, ils disent que si la Russie prend une telle décision, cela violerait le Mémorandum de Budapest, en vertu duquel les Etats-Unis et certains partenaires de l'OTAN ont sacralisé l'intégrité territoriale de l'Ukraine en échange de sa promesse d'abandonner les armes nucléaires. Si les développements prennent cette direction, les acteurs globaux pourraient-ils intervenir dans ce conflit local et le transformer en conflit mondial ? Avez-vous pris ces risques en compte ?

Vladimir Poutine : Avant de faire des déclarations publiques, et encore plus avant de prendre des mesures pratiques, nous accordons à ces questions beaucoup d'attention et une mûre réflexion et essayons de prévoir les conséquences et les réactions que pourraient avoir les divers acteurs potentiels.

Quant au Mémorandum de Budapest que vous avez mentionné, vous dites que vous travaillez chez Reuters, est-ce vrai.

Réponse : Oui.

Vladimir Poutine : Comment le public et les cercles politiques de votre pays voient-ils ces évènements qui ont eu lieu ? Il est enfin clair que c'était une prise de pouvoir par les armes. C'est un fait manifeste et évident. Et il est clair également que cela va à l'encontre de la Constitution. Cela est également un fait clair, n'est-ce pas ?

Réponse : Je vis en Russie.

Vladimir Poutine : Grand bien vous fasse ! Vous devriez rejoindre le service diplomatique ; vous feriez un bon diplomate. Les langues des diplomates, comme nous le savons, sont là pour cacher leurs pensées. Nous disons donc que nous assistons à un coup d'Etat anticonstitutionnel, et on nous répond « non », c'est bien ça ? Vous avez probablement entendu à de nombreuses reprises maintenant que ce n'était pas un coup d'Etat anticonstitutionnel, pas plus qu'une prise de pouvoir par les armes, mais une révolution. Vous avez entendu cela ?

Réponse : Oui.

Vladimir Poutine: Oui, mais si c'est une révolution, qu'est-ce que ça signifie ? Dans un tel cas, il est difficile de ne pas être d'accord avec certains de nos experts qui disent qu'un nouvel Etat émerge maintenant sur ce territoire. C'est exactement comme ce qui est arrivé lorsque l'Empire russe s'est effondré après la révolution de 1917 et qu'un nouvel Etat a fait surface. Et cela serait un nouvel Etat avec lequel nous n'avons signé aucun accord qui nous engage.

Question : Je veux clarifier un point. Vous avez dit que si les USA imposent des sanctions, cela porterait un coup aux deux économies. Cela implique-t-il que la Russie puisse imposer en propre des contre-sanctions, et si c'est le cas, seraient-elles une riposte symétrique ?

Vous avez parlé de remises sur le gaz également. Mais il y avait aussi un accord pour acheter des obligations ukrainiennes d'une valeur de 15 milliards de dollars. L'Ukraine a reçu la première tranche à la fin de l'année dernière. Le paiement des sommes restantes a-t-il été suspendu ? Si la Russie apporte de l'aide, sous quelles conditions économiques et politiques cela s'effectuera-t-il ? Et quels risques politiques et économiques prenez-vous en considération dans ce cas ?

Vladimir Poutine: Pour répondre à votre question, nous sommes en principe prêts à envisager de prendre les mesures nécessaires pour rendre les autres tranches disponibles pour ce qui est de l'achat des obligations. Mais nos partenaires occidentaux nous ont demandés de ne pas le faire. Ils nous ont demandés de travailler ensemble à travers le FMI pour encourager les autorités ukrainiennes à entreprendre les réformes nécessaires en vue d'amener le redressement de leur économie. Nous continuerons à ouvrer dans cette direction. Mais étant donné à présent que l'Ukrainienne Naftogaz ne paye pas Gazprom, le Gouvernement envisage différentes options. Question : M. le Président, la dynamique des évènements en Ukraine change-t-elle pour le meilleur ou pour le pire ?

Vladimir Poutine: Dans l'ensemble, je pense que ça commence à se stabiliser progressivement. Nous devons absolument envoyer un signal aux gens dans le Sud-Est de l'Ukraine pour dire qu'ils peuvent se sentir en sécurité, et qu'ils pourront désormais prendre part au processus électoral général de stabilisation du pays.

Question : Vous avez mentionné à plusieurs reprises les élections légitime en Ukraine. Qui voyez-vous comme candidat du compromis ? Bien sûr, vous direz que c'est aux Ukrainiens de décider, mais je vous la pose pareillement.

Vladimir Poutine: Pour être honnête, je n'en sais strictement rien.

Réponse : Il semble également que le peuple n'en sache rien, parce que peu importe à qui vous vous adressez, tout le monde semble perdu.

Vladimir Poutine : Je ne peux réellement pas dire. Vous savez, il est difficile de faire des prédictions après des évènements de cette sorte. J'ai déjà dit que je ne suis pas d'accord avec cette méthode de prendre le pouvoir et de démettre les autorités sortantes et le président, et je m'oppose fermement à ce type de méthode en Ukraine et dans l'espace post-soviétique en général. Je m'y oppose parce que ce type de méthode n'inculque pas la culture de la loi, son respect. Si une personne peut s'en tirer en agissant ainsi, cela veut dire que tout le monde est autorisé à essayer, et ça ne peut signifier que le chaos. Vous devez comprendre que ce genre de chaos est la pire chose possible pour des pays dont l'économie est branlante et le système politique instable. Dans ce type de situation on ne sait jamais quelles sortes de personnes les évènements placeront au premier plan. Souvenez-vous simplement, par exemple, du rôle que les soldats impitoyables de [Ernst] Röhm ont joué durant l'ascension de Hitler vers le pouvoir. Plus tard, ces soldats impitoyables furent liquidés, mais ils jouèrent leur rôle pour amener Hitler au pouvoir. Les évènements peuvent prendre toutes sortes de tournures.

Permettez-moi de dire à nouveau que dans des situations où les gens appellent à des réformes politiques fondamentales et veulent voir de nouveaux visages en haut du pouvoir, ce qui est parfaitement justifié - et en cela je suis d'accord avec le Maïdan - il y a aussi un risque que voir soudainement éclore une bande de nationalistes ou de semi-fascistes ambitieux, comme le génie qui sort soudainement de la bouteille - et nous les voyons aujourd'hui, des personnes portant des brassards avec quelque chose qui ressemble à une croix gammée, rôdant toujours à travers Kiev en ce moment - ou quelque antisémite ou autre. Ce danger est là également.

Question : A propos, juste aujourd'hui, l'envoyé ukrainien à l'ONU a dit que les crimes commis par les partisans de Bandera [Stephan Bandera (1909-1959) - mouvement nationaliste ukrainien - NdT] furent falsifiés par l'Union soviétique. Avec le 9 mai qui se rapproche, nous pouvons voir maintenant qui est au pouvoir là-bas. Devrions-nous avoir des contacts même avec eux ?

Vladimir Poutine : Nous avons besoin d'avoir des contacts avec tout le monde, à l'exception des criminels flagrants, mais comme je l'ai dit, dans ce type de situation, il y a toujours le risque que des évènements de ce type portent au premier plan des gens qui ont des points de vue extrémistes, et cela a bien sûr des conséquences sérieuses pour le pays.

Question : Vous avez dit que nous devrions établir des contacts avec tout le monde. Youlia Timochenko, semble-t-il, prévoirait de venir à Moscou.

Vladimir Poutine : Comme vous le savez, nous avons toujours travaillé de façon assez productive avec tous les différents gouvernements ukrainiens, peu importe leur couleur politique. Nous avons travaillé avec Léonide Koutchma et avec [Viktor] Iouchtchenko. Lorsque j'étais Premier ministre, j'ai travaillé avec Timochenko. Je lui ai rendu visite en Ukraine et elle est venue ici en Russie. Nous avons dû nous occuper de toutes sortes de situations différentes dans notre travail pour gérer les économies de nos pays. Nous avions nos différences, mais nous sommes aussi parvenus à négocier des accords. Dans l'ensemble, c'était un travail constructif. Si elle veut venir en Russie, qu'elle vienne. Un autre problème est qu'elle n'est plus Premier ministre. En quelle capacité viendrait-elle ? Mais je n'ai personnellement aucune intention de l'empêcher de venir en Russie.

Question : Juste une brève question : qui selon-vous est derrière ce coup d'Etat en Ukraine, comme vous l'avez appelé ?

Vladimir Poutine : Comme je l'ai dit précédemment, je pense que c'était une action bien préparée. Bien sûr, il y avait des détachements de combat. Il y en a toujours là-bas, et nous avons tous vu à quel point ils ont été efficaces. Evidemment, leurs instructeurs occidentaux ont fait de leur mieux. Mais ce n'est pas le véritable problème. Si le gouvernement ukrainien avait été fort, confiant, et qu'il avait construit un système stable, aucun nationaliste n'aurait été capable de mettre ces programmes à exécution et d'obtenir les résultats que nous voyons maintenant.

Le véritable problème est qu'aucun des gouvernements ukrainiens précédents n'a prêté une attention appropriée aux besoins du peuple. Ici, en Russie, nous avons beaucoup de problèmes, et nombre d'entre eux sont similaires à ceux en Ukraine, mais ils ne sont pas aussi grave que là-bas. Le revenu [mensuel] moyen par tête d'habitants en Russie, par exemple, est de 29.700 roubles, mais en Ukraine, si nous faisons la conversion en roubles, il est de 11.900 roubles, je crois - près de trois fois moins qu'en Russie. La pension de retraite moyenne en Russie est de 10.700 roubles, mais en Ukraine elle est de 5.500 roubles - deux fois moins. Les anciens combattants de la Grande Guerre Patriotique (1941-1945) reçoivent chaque mois presque autant que le travailleur moyen. Autrement dit, il y a une différence substantielle de niveaux de vie. C'est ce sur quoi les divers gouvernements auraient dû se concentrer dès le début. Bien sûr, ils devaient lutter contre le crime, le népotisme, les clans, etc., en particulier dans l'économie. Les gens voient ce qui se passe, et cela crée un manque de confiance dans les autorités.

Cela s'est poursuivi alors que plusieurs générations de politiciens modernes sont arrivés et repartis, et le résultat ultime est que les gens sont déçus et veulent voir un nouveau système et de nouvelles têtes au pouvoir. C'est ce qui a constitué la principale source qui a alimenté les événements qui ont eu lieu. Mais permettez-moi de le dire encore : un changement de pouvoir, à en juger par la situation d'ensemble, était probablement nécessaire en Ukraine, mais il aurait dû se produire seulement par des moyens légitimes, en respect et non en violation de la Constitution actuelle.

Question : M. le Président, si la Crimée tient un referendum et que les gens là-bas votent pour se séparer de l'Ukraine, c'est-à-dire si une majorité des habitants de la région vote pour la sécession, la soutiendriez-vous ?

Vladimir Poutine : On ne peut jamais utiliser le mode conditionnel en politique. Je m'en tiendrai à cette règle.

Question : Yanoukovitch est-il toujours en vie ? Il y a eu des rumeurs selon lesquelles il serait mort.

Vladimir Poutine : Je l'ai vu une fois depuis qu'il est arrivé en Russie. C'était il y a tout juste deux jours. Il était en vie et allait bien et vous souhaite de même. Il aura encore la chance d'attraper un rhume aux funérailles de ceux qui répandent les rumeurs de son décès.

Question : M. le Président, quelles erreurs pensez-vous que Yanoukovitch a fait au cours des derniers mois alors que la situation s'intensifiait en Ukraine ?

Vladimir Poutine : Je préfèrerais ne pas répondre à cette question, non pas parce que je n'ai pas une opinion à exprimer, mais parce que je ne pense pas que cela serait approprié de ma part. Après tout, vous devez le comprendre.

Question : Avez-vous de la sympathie pour lui ?

Vladimir Poutine : Non, j'éprouve des sentiments entièrement différents. Tout ceux qui sont dans ce cabinet portent une immense responsabilité sur leurs épaules en tant que chef d'Etat, et ils ont des droits et aussi des obligations. Mais la plus grande obligation de toute est de porter la volonté du peuple qui vous a confié le pays, agir dans la loi. Et il nous faut donc analyser s'il a fait tout ce que la loi et le mandat des électeurs lui ont donné le pouvoir de faire. Vous pouvez analyser cela vous-même et tirer vos propres conclusions.

Question : Mais quels sentiments éprouvez-vous pour lui ? Vous avez dit « pas de sympathie, mais d'autres sentiments ». Lesquels exactement ?

Vladimir Poutine : Nous en parlerons plus tard.

Question : Vous avez dit, il y a deux questions de cela, que nous devons par-dessus tout envoyer un message clair aux gens dans le Sud et le Sud-Est de l'Ukraine. Le Sud-Est, on peut le comprendre, mais.

Vladimir Poutine : Nous devons réellement faire en sorte que notre position soit claire pour tous.

Nous avons besoin d'être entendus par tous les Ukrainiens. Nous n'avons aucun ennemi en Ukraine. Permettez-moi de redire que l'Ukraine est pays ami. Savez-vous combien de personnes sont venues d'Ukraine en Russie l'année dernière ? 3,3 millions de personnes, et sur ce chiffre, près de 3 millions de personnes sont venues en Russie pour travailler. Ces gens travaillent ici - environ 3 millions de personnes. Savez-vous combien d'argent ils envoient chez eux en Ukraine pour soutenir leurs familles ? Si l'on prend le revenu moyen de trois millions de personnes, cela fait des milliards de dollars et constitue une grosse contribution au PIB de l'Ukraine. Ce n'est pas une plaisanterie. Nous les accueillons tous, et parmi les gens qui viennent ici pour travailler, il y en a beaucoup qui viennent de l'Ouest de l'Ukraine. Ils sont égaux à nos yeux, ce sont tous nos frères.

Question : C'est juste ce que je voulais vous demander. Nous entendons par-dessus tout parler du Sud-Est de l'Ukraine en ce moment, ce qui est compréhensible, mais il y a également des Russes ethniques et des russophones en Ukraine occidentale, et leur situation est probablement encore pire. Ils ne peuvent probablement pas relever la tête du tout et sont une minorité opprimée là-bas. Que peut faire la Russie pour les aider ?

Vladimir Poutine: Notre position est que si les personnes qui se disent maintenant être le gouvernement espèrent être considérées comme un gouvernement civilisé, elles doivent assurer la sécurité de tous leurs citoyens, peu importe dans quelle partie du pays ils se trouvent, et nous suivrons bien sûr attentivement la situation.

Merci

Traduction [JFG-QuestionsCritiques]

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