accueil > archives > planète en danger


400ppm

Réchauffement planétaire : le dépassement du « point de bascule »

Par Michael McCarthy, rédacteur en chef environnement
The Independent, le 14 janvier 2013

article original: "Global warming: passing the 'tipping point'"

Notre enquête spéciale révèle qu'une élévation critique
des températures mondiales est désormais inévitable

Tweeter

Le « point de bascule » du réchauffement planétaire, crucial pour la Terre et aux conséquences dévastatrices, mis en évidence seulement la semaine dernière par le gouvernement britannique, a déjà été dépassé.

La recherche commandée par The Independent révèle que l'accumulation de gaz à effet de serre dans l'atmosphère a désormais dépassé un seuil, fixé l'année dernière par des scientifiques du monde entier, lors d'une conférence en Grande-Bretagne, au-delà duquel un changement climatique réellement dangereux est probablement irrésistible.

L'implication est que quelques-uns des pires effets prédits du réchauffement planétaire, de la destruction d'écosystèmes à une augmentation de la famine et des pénuries d'eau pour des milliards de personnes, ne peuvent maintenant pas être évités, quoi que nous fassions. Cela donne une force considérable à l'assertion du gourou vert, le professeur James Lovelock, mise en avant le mois dernier dans The Independent et selon laquelle le changement climatique a désormais dépassé le point de non-retour.

Le point de danger vers lequel nous nous dirigeons solidement est une élévation des températures moyennes globales de 2 degrés au-dessus du niveau d'avant la Révolution industrielle de la fin du 18e siècle.

Pour l'instant, les températures moyennes du globe ont augmenté d'environ 0,6 degré au-dessus de l'ère préindustrielle - et des signes inquiétants de changement climatique, comme la fonte rapide de la banquise arctique en été, sont déjà de plus en plus évidents. Mais une augmentation de 2 degrés serait beaucoup plus grave. A ce stade, il est probable que le manteau glacier du Groenland aura déjà commencé à fondre de manière irréversible, menaçant la planète d'une élévation du niveau de la mer de plusieurs mètres. Les récoltes agricoles auront commencé à chuter, non seulement en Afrique mais également en Europe, aux Etats-Unis et en Russie, faisant risquer la famine à 200 millions de personnes supplémentaires, et des pénuries d'eau potable et pour l'irrigation à 2,8 milliards de personnes de plus. La conférence gouvernementale pour éviter un changement climatique dangereux, qui s'est tenue au UK Met Office à Exeter, il y a un an, a mis l'accent sur un seuil manifeste d'accumulation dans l'atmosphère de gaz à effet de serre, tels que le dioxyde de carbone (CO2), qui ne devrait pas être dépassé si nous voulons éviter ce point de 2 degrés avec une « certitude relativement élevée ».

C'est-à-dire que la concentration de CO2 et d'autres gaz comme le méthane et l'oxyde nitreux, pris ensemble dans leur effet sur le réchauffement planétaire, doivent rester en dessous de 400ppm (parties par million) en termes de CO2 - ou dans le jargon, la « concentration équivalente » de CO2 devrait rester en dessous de ce niveau. Cette mise en garde a été soulignée dans le rapport officiel de la conférence d'Exeter, publié la semaine dernière. Cependant, une enquête réalisée par The Independent établit que la concentration équivalente de CO2, largement passée inaperçue par les communautés scientifique et politique, s'est maintenant élevée au-delà de ce seuil.

Ce chiffre n'est pas très bien connu, même des chercheurs climatiques, et il n'est pas facilement disponible. Par exemple, lorsque nous avons posé cette question à un scientifique climatique de tout premier plan, il a répondu : « Je pense que c'est certainement au-dessus de 400 - probablement aux alentours de 420 ». Nous avons donc demandé à l'un des plus grands experts du monde sur les effets climatiques des gaz à effet de serre, le professeur Keith Shine, le chef du département de la météorologie à l'université de Reading, de le calculer précisément. En se servant des derniers chiffres disponibles (pour 2004), ses calculs montrent que la concentration équivalente de CO2, en prenant les effets du méthane et de l'oxyde nitreux aux niveaux de 2004, est maintenant de 425ppm. Ce chiffre est constitué du CO2 lui-même, à 379ppm, de l'effet de réchauffement global du méthane dans l'atmosphère, équivalent à 40ppm de CO2 supplémentaires, et l'effet de l'oxyde nitreux, équivalent à 6 autres ppm de CO2.

Le point de bascule sur lequel le gouvernement a mis en garde la semaine dernière est déjà derrière nous.

« Le dépassement de ce seuil est d'une importance des plus énormes », a dit Tom Burke, un ancien conseiller du gouvernement sur les questions écologiques et qui est désormais professeur associé à l'Imperial College de Londres. « Cela signifie que nous sommes désormais entrés dans une nouvelle ère - l'ère du changement climatique dangereux. Nous avons dépassé le point où nous pouvons être confiant de rester en dessous d'une élévation de 2 degrés, fixée comme seuil de danger. Ce que cela nous dit est que nous avons déjà atteint le point où nos enfants ne peuvent plus compter sur un climat sûr ».

Le scientifique qui présidait la conférence d'Exeter, Dennis Tirpak, qui dirige l'unité de changement climatique de l'OCDE à Paris, a été encore plus direct. Il a dit : « Cela signifie que nous atteindrons les 2 degrés [comme élévation moyenne de la température globale]. »

Le professeur Burke a ajouté : « Nous avons désormais très peu de temps pour agir. Les gouvernements doivent cesser de parler et commencer à dépenser. Nous avons déjà la technologie qui nous permettrait de faire face à nos besoins croissants d'énergie tout en maintenant un climat stable. Nous devons la déployer maintenant. Le faire coûtera moins cher que la guerre d'Irak et nous savons donc que nous en avons les moyens ».

Ce seuil de 400ppm est basé sur un document donné à Exeter par Malte Meinhausen de l'institut de technologie fédéral suisse. Le Dr Meinhausen a passé en revue des douzaines d'études sur la probabilité de dépasser le seuil de 2 degrés à différents niveaux d'équivalent de CO2. Prises ensemble, elles montrent qu'en restant simplement au-dessus de 400, il y a une très forte chance de ne pas le faire.

Certains scientifiques ont été réticents à parler de l'effet global de l'effet de réchauffement de tous les gaz à effet de serre pris ensemble, parce qu'il y a une autre considération - le fait que « l'aérosol », ou bande de poussière dans l'atmosphère issue de la production industrielle, réduise en fait le réchauffement. Ainsi que le professeur Shine le souligne, il y a une énorme incertitude quant au degré auquel cela se produit, rendant problématique le calcul sur l'effet d'ensemble du réchauffement. Toutefois, ainsi que James Lovelock le fait remarquer - et que le Pr Shine et d'autres scientifiques l'acceptent - dans l'éventualité d'une récession industrielle, l'aérosol pourrait retomber de l'atmosphère en quelques semaines et alors l'effet sur tous les gaz à effet de serre pris ensemble se ferait soudainement sentir.

Traduit de l'anglais par [JFG-QuestionsCritiques]

Cet article vous a intéressé ?

Merci de soutenir Questions Critiques...
Pourquoi ?
Montant en euros: