accueil > archives > éditos


LA PENSÉE NÉOCONSERVATRICE DE VACLAV KLAUS

     Le Problème de l'Europe - et le Nôtre
L'UE va-t-elle choisir le collectivisme ou l'individualisme? Et nous ?
   
lundi 21 mars 2005, Edito de Pete du Pont - Wall Street Journal


Vaclav Klaus, le président de la République Tchèque, était récemment à Washington pour rencontrer le Président Bush et pour la sortie de son nouveau livre, "Sur la Voie de la Démocratie". Lorsque le mur de Berlin est tombé en 1989 et que la Révolution de Velours est arrivée en Tchécoslovaquie, M. Klaus est devenu ministre des finances de la nouvelle démocratie. Il est devenu premier ministre en 1992, et plus tard président. Ses principes libéraux ont remplacé le communisme dans la liberté et le choix ; il a libéré les prix et le commerce extérieur, déréglementé les marchés et privatisé les actifs détenus par l'Etat. Le communisme a été démantelé et la prospérité est arrivée dans son pays.

Mais à présent, le Président Klaus perçoit un nouveau défi dérangeant : le zèle de la Vieille Europe — la France, l'Allemagne, Bruxelles — à imposer des choix collectifs à la Nouvelle Europe — la Pologne, le Danemark, la République Tchèque, l'Irlande. "Il y a dix ans," écrit M. Klaus, "le slogan dominant était : 'déréglementez, libéralisez, privatisez.' Maintenant le slogan est différent : 'réglementez ... débarrassez-vous de votre souveraineté et placez-la entre les mains d'institutions et d'organisations internationales.' "

"Le processus actuel d'unification européenne n'est pas d'abord une question d'ouverture," poursuit-il. "Il s'agit d'introduire une réglementation et une protection massives, d'imposer des règles, des lois et des politiques uniformes." Il s'agit d'une "course à l'intégration dans l'Union Européenne qui est actuellement l'incarnation la plus visible et la plus puissante de l'ambition consistant à créer quelque chose d'autre — supposée être mieux — qu'une société libre."

La force qui crée ces pressions est bien l'Union Européenne. Sa constitution doit être ratifiée par tous les états membres ; quatre des 25 nations l'ont fait, et des référendums se tiendront en France et aux Pays-Bas ce printemps. Si elle est ratifiée, l'UE deviendra la première source d'autorité légale en Europe avec "primauté sur la loi des états membres." En d'autres termes, les 25 membres du Conseil des Ministres de l'Union Européenne - pas les 750 membres du Parlement Européen - feront les lois pour 450 millions de personnes, auparavant citoyens des 25 pays indépendants.

Alors, qu'est ce qui rend le Président Klaus "de plus en plus inquiet" de l'avenir du peuple tchèque ? Il est convaincu que les auteurs et les gardiens de la nouvelle Constitution Européenne croient :

- Que "la concurrence n'est pas le mécanisme le plus puissant pour atteindre la liberté, la démocratie et l'efficacité, mais plutôt une forme injuste et improductive de dumping."
- Que "la régulation, la réglementation et l'intervention envahissantes de ce qui a été dit ci-dessus sont nécessaires parce que la défaillance du marché est plus dangereuse que la défaillance du gouvernement."
- En "la supposition que le gouvernement est en fin de compte une force bénévole, obligée de garantir des revenus égaux en redistribuant les bénéfices et les privilèges entre les individus et les groupes."

La bureaucratie de Bruxelles pourrait-elle, par exemple, imposer constitutionnellement les 35 heures de la France aux autres 24 nations de l'Union Européenne ? Elle le pourrait tout à fait, et avec un vote de seulement 15 états membres (sous réserve qu'ils représentent 65% de la population de l'Union). Un état qui voterait "non" verrait la loi s'imposer à lui.

Il semble probable que l'Union Européenne a l'intention de centraliser la prise de décision à Bruxelles, alors que le Président Klaus croit à "la moralité inhérente des marchés, à l'éthique du travail et de l'épargne, au lien crucial entre la liberté et la propriété privée. Il n'est pas possible (ou souhaitable) de faire des lois pour un monde meilleur venant du dessus ou de l'extérieur."

En y pensant, ce débat très similaire n'a-t-il pas dominé la prise de décision de politique publique en Amérique ? Le gouvernement devrait-il avoir le pouvoir de prendre pour nous des décisions collectives ou les gens ont-ils le pouvoir de prendre les décisions individuelles qui les concernent ?

Cela a commencé avec la Grande Dépression, lorsqu'il s'est avéré que le capitalisme avait échoué et qu'il semblait que le collectivisme de Franklin D. Roosevelt ferait mieux. Cette philosophie du type "le gouvernement sait mieux" a plutôt dominé le pays pendant un demi-siècle — avec un peu de répit pendant la Deuxième Guerre Mondiale et les années de l'immédiat après-guerre. Dans les années 60 et 70 le gouvernement s'est agrandi ; la réglementation s'est accrue ; la criminalité a augmenté tandis que la population carcérale a baissé ; les écoles ont abaissé leur niveau et limité les examens ; et la distribution de richesse est devenue plus importante que sa création. Comme Lyndon Johnson le disait, nous devons accepter "une plus grande activité de la part du gouvernement dans les affaires du peuple." Les contrôles des salaires et des prix et les impôts plus élevés de Richard Nixon ont poursuivit la tendance.

Puis est arrivé Ronald Reagan qui avait la vue opposée, et les années 80 et 90 virent une Amérique dans laquelle la liberté était considérée comme plus importante que l'égalité ; étendre les marchés devint plus important qu'étendre le gouvernement. L'aide sociale fut remplacée par le travail, des forces de polices et des sentences obligatoires accrues firent baisser le taux de criminalité, l'éducation amorça un retour vers les examens et un meilleur niveau, et la création d'une plus grande richesse individuelle et nationale devint notre préoccupation.

Le Président Bush a poursuivit dans cette direction individualiste. À l'exception de la ses tarifs douaniers catastrophiques sur l'acier, il a travaillé à faire progresser le commerce. Il a réduit les impôts afin d'augmenter les perspectives individuelles et de faire croître l'économie. Il est en faveur dune société de la propriété - il souhaite augmenter le nombre d'Américains qui possèdent des actions (actuellement 52%) et ceux qui sont propriétaire de leur maison (actuellement 69%) - et il croit que les comptes retraites de la Sécurité Sociale devrait appartenir aussi aux individus [1]. La loi "ne pas laisser d'enfant derrière" [No Child Left Behind] a essayé d'apporter un meilleur niveau à l'éducation publique, mais c'est un domaine où les Etats-Unis suivent toujours le modèle de Bruxelles — les écoles publiques sont dirigées par le gouvernement, et les familles ne peuvent pas choisir la meilleure école pour chacun de leurs enfants. La pensée de l'establishment prédit, bien sûr, que l'individualisme sera une catastrophe, mais c'est l'inverse qui s'avère être vrai. Les réductions d'impôts de Reagan furent appelées — par le Républicain Howard Baker, rien de moins — un "pari de bateau à aubes", et pourtant elles sont à l'origine d'une expansion économique forte. [2] Son système de bouclier spatial fut dénigré par Ted Kennedy qui l'appelait "Star Wars" et ses défis à l'Union Soviétique furent dénoncés comme inconscients et irresponsables, et pourtant ils ont renvoyé le communisme dans la poubelle de l'histoire. Le Sénateur Pat Moynihan et la présidente du Fonds pour la Défense de l'Enfance [Children's Defense Fund], Marian Wright Edelman, ont tous deux prédit que la réforme de l'aide sociale conduirait les pauvres dans davantage de pauvreté, mais elle a coupé à deux le nombre de demandeurs et a permis à des millions de gens — principalement des femmes — à retrouver du travail et à améliorer leurs vies et leurs perspectives.

Donc, puisque le communisme a disparu de l'Europe de l'Est et que la philosophie de Reagan a dominé la pensée américaine, l'individualisme a eu le vent en poupe. Mais la croyance d'une nation dans l'individualisme est souvent écrasée par la bienveillance gouvernementale chaleureuse et persuasive qui finira par limiter nos perspectives. En Europe nous voyons sa puissance grandir à Bruxelles ; en Amérique nous la voyons dans le débat actuel sur la Sécurité Sociale.

L'Establishment américain est favorable au collectivisme - le collectivisme de l'éducation publique et de notre Sécurité Sociale actuelle, et de plus d'impôts pour limiter nos choix individuels et accroître les choix faits par le gouvernement. Donc, la pensée du Président Klaus mérite quelque considération, car si Bruxelles et l'Amérique Démocrate l'emportent, nos vies seront vraiment très différentes.

M. du Pont, ancien gouverneur du Delaware, préside le Centre National pour l'Analyse Politique, basé à Dallas. Il a une chronique mensuelle dans les colonnes du Wall Street Journal.

Traduit de l'anglais (Etats-Unis) et commenté (notes de bas de page) par Jean-François Goulon


—> réagissez à cet article: questions critiques et soyez publié !


[1] Voir l'article de Sterling Newbury, "Bush prépare un LBO sur la Sécu Américaine

[2] Voir "Les Années Reagan" par Steve Kangas.